Les débats sur le projet de loi Création et Internet à l’Assemblée Nationale ont mis en évidence le problème de la double peine. « Le texte crée une réelle rupture d’égalité devant la loi en mettant en place, comme cela a déjà été évoqué, un double régime de sanction pour un même fait, en permettant la combinaison de poursuites pénales et de sanctions administratives« , notait ainsi le député socialiste Patrick Bloche. Les ayants droit qui constatent une infraction au droit d’auteur réalisée à partir d’une adresse IP pourront saisir l’Hadopi au titre du manquement à l’obligation de surveillance de l’accès à Internet, mais ils pourront aussi saisir le juge pénal pour le téléchargement lui-même. Ils pourront faire l’un, ou l’autre, ou les deux ensemble.
Pour éviter le problème, des députés ont proposé un amendement qui prévoit que « aucune poursuite pénale pour contrefaçon ne peut être engagée pour des faits pour lesquels la commission de protection des droits de la Haute Autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur internet a été antérieurement saisie« . Mais il sera très certainement rejeté, tout comme ceux, identiques, qui avaient été proposés au Sénat. Il n’est pas possible, sans violer la constitution, d’interdire à une personne physique ou morale l’accès au juge.
Mais l’affaire Videorama relance le débat sous un autre angle. Contacté par Numerama, l’avocat qui a envoyé les courriers réclamant 316 euros de dédommagement à des internautes suspectés de téléchargement illégal ne souhaite pas se prononcer sur l’impact qu’aura le vote de la loi Création et Internet sur ce genre de procédures. Sylvestre Tandeau de Marsac dit vouloir attendre de voir le texte qui sera promulgué, avant de se prononcer. Mais en tout état de cause, la société Videorama GmbH qui a mandaté le cabinet pour réunir les demandes de dédommagement auprès des internautes ne devrait pas saisir l’Hadopi, et continuer à agir en dehors du cadre de la riposte graduée.
Le projet de loi prévoit en effet que l’Hadopi ne pourra être saisie que par les organismes de défense professionnelle régulièrement constitués, les sociétés de perception et de répartition des droits, et le Centre National de la Cinématographie. Or sauf erreur de notre part, il n’existe pas d’organisme de défense des producteurs pornographiques ou érotiques régulièrement constitués en France, ni de société de gestion collective pour les producteurs XXX. Et l’on imagine mal le CNC défendre la pornographie.
Les producteurs ou les auteurs indépendants, qui ne sont par définition pas affiliés à un organisme de défense professionnels, et qui sont hors de vue du radar de la Sacem ou de la SCPP, ne pourront pas non plus faire défendre leurs droits par l’Hadopi. Ils devront toujours s’en remettre au juge, ou à ce type de menace qui peut intimider y compris des internautes innocents qui préfèrent payer discrètement 316 euros à un avocat que d’avoir à justifier en séance public du tribunal qu’il n’a jamais téléchargé Blanche Fesse et les Sept Mains.
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