Que se passe-t-il lorsqu’un youtubeur déroge au moule classique des vidéos qui l’ont rendu célèbre ? Plus largement, avec l’avènement de TikTok, sommes-nous entrés dans l’ère des mono-influenceurs ? C’est le sujet de notre chronique dans le Meilleur des Mondes de France Culture.

L’histoire se passe à Noël. Alors que certains déballent leurs cadeaux sous le sapin, Cyprien, lui, se morfond. La veille, il a sorti un court-métrage qui lui tient à cœur, Fujisan, tourné quelques mois plus tôt, en anglais et en japonais.

Mais tout ne se passe pas comme prévu : son film fait un « flop », de son propre aveu. Vu de loin, on pourrait se dire que 400 000 vues en moins d’une journée, ça n’est pas si mal. Mais quand on est le deuxième plus gros youtubeur français, suivi par 14 millions de personnes, on est habitué à mieux.

Le 24 décembre au matin, il se réveille et tweete : « C’est le tournage dans lequel je me suis le plus investi, c’est le PIRE lancement d’une vidéo sur ma chaîne. Coup dur. » Et de lancer un grand débat sous forme de question : « La fiction n’a pas sa place sur YouTube ? »

Résultat : une avalanche de commentaires, internautes moqueurs et fans bienveillants qui se crêpent le chignon… et puis, le constat d’un autre youtubeur en vogue, Inoxtag : « Si ! La fiction a totalement sa place. Ça marche peut-être moins que d’autres vidéos plus mainstream, mais il faut faire ça pour soi, parce que c’est un travail artistique. Tu peux te faire kiffer avec de belles images et de bons scénarios.»

Se faire kiffer ou faire des vues, est-ce là le nouveau paradoxe du métier de youtubeur ? 

L’avenir des youtubeurs est-il sur YouTube ?

Si j’avais la recette miracle, je serais certainement pas ici, mais en une de YouTube France ! Reprenons l’exemple Cyprien. Il s’est fait connaitre pour des vidéos humoristiques, tournées dans son salon: il a construit son « moule ». Lorsqu’il publie une nouvelle vidéo et que ses abonnés reçoivent une notification, ils s’attendent à ce qu’elle soit conforme, peu ou prou, à ce moule. Et quand les internautes cliquent vite sur une nouvelle vidéo, l’algorithme de YouTube adore. Ça crée la fameuse réaction en chaîne qu’on appelle « la viralité ».

Cet engrenage n’est pas propre à YouTube. Il faut comprendre que les algorithmes sont, au fond, relativement bêtes. Si vous allez sur Amazon et que vous achetez un micro-ondes, retournez-y quelques jours plus tard et Amazon vous proposera… encore des micro-ondes ! Et c’est pareil sur Spotify, Instagram, TikTok…

L'autruche Emmanuel sous toutes ses coutures // Source : TikTok/knucklebumpfarms
L’autruche Emmanuel sous toutes ses coutures // Source : TikTok/knucklebumpfarms

Tenez, TikTok, d’ailleurs, c’est la plateforme où les créateurs sont enfermés dans un moule. Ici, vous verrez un peintre en bâtiment qui ne fait que des vidéos de maroufle. Là, une éleveuse ne publie que des vidéos de son autruche Emmanuel. Bref, la plateforme a créé une nouvelle sorte d’influenceurs : les mono-influenceurs, qui produisent tous les jours les mêmes contenus. 

Dévier de la trajectoire devient alors synonyme d’invisibilité. On comprend mieux les angoisses de Cyprien, et de toute une profession, qui n’a de cesse d’être déstabilisée.

Réécouter le Meilleur des mondes sur France Culture

Toute l’émission YouTube : la plateforme va-t-elle devenir has been ? peut être réécoutée sur ce lien ou ci-dessous. L’émission accueille Vincent Manilève (auteur de Youtube, derrière les écrans (Lemieux éditeur, 2018)), Léa Camilleri (vidéaste) et Bastien Louessard (maître de conférences en sciences de l’Information et de la Communication à l’Université Sorbonne Paris Nord).

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