Les débats sur la musique et le piratage sont très passionnés, et virent rapidement au clash entre ceux qui défendent l’idée que la musique doit être achetée par ceux qui veulent l’écouter, et ceux qui prétendent que la musique doit pouvoir s’échanger librement, sans rémunération directe. Il est donc rafraichissant, dans ce contexte exacerbé par la loi Hadopi, de lire chez nos confrères de PC INpact les propos du groupe Kassav, qui écrit au député Christian Paul.
Plutôt que d’invectiver les pirates, le groupe pose beaucoup de questions. On pourrait les trouver parfois naïves (« nous ne voyons pas la différence entre écouter un de nos morceaux sur un iPod ou sur un tourne-disque à l’époque« ), mais toutes sont significatives de ce qu’un groupe qui a vécu 30 ans de carrière dans l’industrie musicale peut ressentir en voyant ses œuvres massivement copiées.
« Pourquoi réguler Internet est-il inimaginable ? On le fait bien et heureusement pour les sites pédophiles et les sites de propagandes nazis entre autres, alors pourquoi pas pour la musique ?« , demande le groupe, qui confesse avoir « peur d’une régression totale avec l’arrivée d’Internet et l’absence de règles sur la protection du droit d’auteur et des droits de production et d’interprètes« .
Tout en se montrant pour la lutte contre le piratage, notamment pour protéger la musique antillaise, le groupe s’intéresse à la licence globale ou la contribution créative proposée par les députés socialistes. « Pourquoi pas ? Et l’idée peut sembler intéressante, avouons franchement que nous ne sommes pas des hommes d’affaires, juste des artistes indépendants qui tentons de créer dans des conditions de travail normales, alors nous souhaiterions comprendre son fonctionnement« , écrivent-ils. Ils fournissent un exemple de budget d’enregistrement, qui s’élève à 176.663 euros.
« Nous avons les dépenses, notre question est simple et brutale, où sont les recettes dans votre modèle ?« , demande Kassav.
La question est pertinente et légitime, et méritera une réponse détaillée.
Mais la question n’est-elle pas faussée par la perception, naturelle, que tout doit rester en l’état ?
Quelle règle universelle impose en effet que la musique doit être enregistrée dans un studio (18.200 euros), mixée (9.600 euros), réalisée (18.000 euros), post-produite (9.625 euros), et marketée (65.500 euros) ?
Interprétée depuis que l’Homme est Homme, la musique n’est enregistrée que depuis un siècle. C’est une avancée technologique permise par Edison qui a donné naissance à l’industrie musicale, et c’est la naissance de la radio et des grands médias qui ont permis à cette industrie de se développer et à des artistes de vivre de la musique qu’ils ont enregistrée.
Mais l’histoire de l’art est riche d’arts qui n’ont vécu qu’un temps, dans un contexte économique et culturel éphémère. Peut-être la musique enregistrée (industrielle) doit-elle accepter de mourir pour laisser sa place à d’autres formes d’arts. C’est le cycle de la création, qui s’accélère sans doute aussi vite que la technologie progresse.
Dans les années 1950, l’historien de l’art Paul Oskar Kristeller l’avait écrit dans une revue, à propos du cinéma : « Il y a eu des périodes importantes de l’histoire culturelle où le roman, l’instrument de musique, ou la peinture sur toile n’existaient pas ou n’avaient aucune importance. D’un autre côté, le sonnet et le poème épique, les vitraux et les mosaïques, les fresques et l’enluminure des livres, la peinture sur vase ou les tapisseries, les bas-reliefs et la poterie, ont tous été des arts « majeurs » à différentes périodes et d’une certaine façon ils n’existent plus maintenant. D’un autre côté, le film est un bon exemple de la manière dont de nouvelles techniques peuvent conduire à de nouveaux modes d’expression artistique pour lesquels les esthéticiens du dix-huitième et du dix-neuvième siècle n’avaient aucune place dans leurs systèmes. Les branches des arts ont toutes leur apogée et déclinent, et même leur naissance et leur mort« .
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