Longtemps nous nous sommes interrogés sur le silence accablant de François Bayrou au sujet de la loi Création et Internet. Lui qui, par calcul politique ou par sincérité, s’était opposé dans l’hémicycle à la loi DADVSI et avait ainsi gagné la confiance de nombreux internautes à quelques mois des élections présidentielles, ne s’est pas présenté une seule fois à l’Assemblée pour s’opposer à la loi Création et Internet, à quelques semaines des élections européennes que l’on dit pourtant déterminantes pour son avenir politique. Il avait, pourtant, matière à distribuer ses piques, ici contre le contournement de l’ordre judiciaire ou la privatisation de la justice, là contre le déni de démocratie et l’abandon de la présomption d’innocence. Alors que ça semblait être pour lui un terrain politique et médiatique facile à conquérir, il a dilapidé par son absence une partie non négligeable de la confiance qu’il avait su acquérir.
« C’est parce qu’il n’a plus de groupe parlementaire qu’il ne s’exprime pas« , nous expliquait récemment un proche du président du Mouvement Démocrate. La plupart des députés UDF l’ayant quitté pour rejoindre l’UMP ou former le Nouveau Centre, François Bayrou s’est en effet retrouvé sans groupe parlementaire pour la 13ème législature. Or le règlement de l’Assemblée Nationale limite à peau de chagrin les cas où les députés non inscrits dans un groupe peuvent s’exprimer oralement. Le fait est que depuis le renouvellement des députés, François Bayrou ne s’est exprimé que douze fois en séance.
Son silence parlementaire ne justifiait toutefois pas son silence médiatique. Le fait de ne pouvoir s’exprimer à l’Assemblée n’empêche pas de publier une tribune dans un journal, de glisser quelques mots à la radio ou lors d’une interview télévisée, ou de signer un communiqué musclé au nom du MoDem. « Il réserve ses cartouches pour la sortie de son livre« , nous alors assuré notre interlocuteur, évoquant le brûlot Abus de Pouvoir, qui doit paraître cette semaine. L’ancien candidat à la présidentielle veut se servir de l’Hadopi comme d’un exemple de plus des dérives du pouvoir. C’est ce qu’il vient d’ailleurs d’expliquer à L’Express, au détour d’une interview au Printemps de Bourges.
« L’obession de faire passer le texte à tout prix, dont je vois bien à quoi il correspond, me paraît de ce point de vu là dangereuse et révélatrice. C’est révélateur d’une chose en particulier, c’est qu’il n’y a pas de liberté du Parlement par rapport à l’exécutif« , a ainsi estimé François Bayrou. « Il n’y a plus de séparation des pouvoirs entre le législatif et l’exécutif« , regrette-t-il, ayant constaté que les députés UMP s’étaient absentés de l’hémicycle en première lecture pour manifester un désaccord sur le fond, ce que n’a pas voulu admettre Nicolas Sarkozy.
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