Les représentants des 27 pays membres de l’Union Européenne se réunissent ce merdredi pour un nouveau Coreper autour du Paquet Télécom. Ils devront valider ou rejeter un compromis trouvé mardi par le Parlement Européen et la Commission, dont les Verts assurent qu’il est encore meilleur que l’amendement Bono d’origine. Pas sûr.

Mise à jour 14h30 : confirmant nos interprétations, la France a voté pour le compromis, qui a été adopté ce mercredi matin en séance plénière. Il ne gêne pas la mise en place de l’Hadopi, mais fait simplement peser sur la France un risque de condamnation à long terme si l’Hadopi ne respecte pas la présomption d’innocence.

Alors que le vote du Paquet Télécom au Parlement Européen est programmé pour le 6 mai prochain, l’amendement Bono que redoute Nicolas Sarkozy fait encore l’objet d’intenses discussions entre le Parlement, le Conseil et la Commission Européenne. Mardi après-midi, le Parlement et la Commission sont parvenus à un nouveau compromis, sous l’impulsion de la présidence Tchèque. Les représentants des 27 Etats membres doivent le valider ce mercredi lors d’un énième Coreper.

Dans sa formulation d’origine, l’amendement Bono-Cohn-Bendit prévoyait qu’ « aucune restriction aux droits et libertés fondamentales des utilisateurs finaux (d’internet) ne doit être prise sans décision préalable de l’autorité judiciaire en application notamment de l’article 11 de la charte des droits fondamentaux, sauf en cas de menace à la sécurité publique où la décision judiciaire peut intervenir postérieurement« .

La formulation proposée au Coreper ne fait plus référence à la Charte mais à la Convention européenne pour la Protection des Droits de l’Homme et des Libertés Fondamentales. Relégué au niveau du préambule, ce qui lui fait perdre sa force juridique immédiate, l’amendement serait toutefois doublé d’un nouvel article, sujet à interprétation.

Celui-ci prévoit, selon notre traduction, que « les mesures prises concernant l’accès des utilisateurs finaux (d’internet) ou leur utilisation de services et d’applications à travers des réseaux de communications électroniques doivent respecter les droits fondamentaux et les libertés des individus, y compris au regard de la vie privée, de la liberté d’expression et de l’accès à l’information, et du droit à un jugement par un tribunal indépendant et impartial établi par la loi et agissant dans le respect du procès équitable tel que défini par l’Article 6 de la Convention pour la Protection des Droits de l’Homme et les Libertés Fondamentales« .

La France, qui souhaitait éviter toute référence à l’ordre judiciaire, pour préserver la nature administrative de l’Hadopi, devrait donc avoir satisfaction. La référence à l’article 6 de la CEDH pourrait la gêner notamment au regard du deuxième alinéa qui dispose que « toute personne accusée d’une infraction est présumée innocente jusqu’à ce que sa culpabilité ait été légalement établie« , mais elle est davantage sujette à interprétation que la référence explicite à l’ordre judiciaire. Elle lui permettra de voter la loi en attendant d’éventuelles réprimandes futures de Bruxelles, lorsque l’Hadopi n’aura effectivement pas respecté la CEDH.

Après un long feuilleton de négociations infructueuses raidies par la position française, le Parlement Européen avait décidé la semaine dernière de jeter au feu tout compromis et de réintroduire dans sa forme initiale l’amendement Bono. Catherine Trautmann, qui négocie au nom du Parlement, avait immédiatement fait savoir que la porte restait ouverte à d’ultimes négociations avant le vote du Paquet Télécom le 5 mai prochain.

Si aucun accord n’est trouvé, c’est en effet le Paquet Télécom dans son ensemble qui risque d’être renvoyé au plus tôt à septembre prochain, après un renouvellement du Parlement Européen. Avec alors l’obligation de rouvir des négociations difficiles sur des sujets bien plus stratégiques, portant sur l’économie des télécoms en Europe. Personne ne souhaite en prendre la responsabilité.

La France, qui souhaite faire échec à toute disposition contraignante s’opposant à la riposte graduée, avait trouvé quelques alliés au sein du Conseil, dont la Grande-Bretagne et la Pologne. Ces derniers ne reconnaissaient pas la force juridique de la Charte européenne des droits fondamentaux à laquelle faisait référence l’amendement anti-riposte graduée. La stratégie du Parlement Européen a donc été de proposer une version qui change de base juridique, tout en satisfaisant les plus fortes exigences françaises.

« Le compromis, permettant de contourner les réticences britanniques et polonaises (pays eurosceptiques qui ne reconnaissent pas le caractère contraignant de la Charte européenne des droits fondamentaux, mais s’opposent à la « riposte graduée » et à la DADVSI) consiste à changer de base juridique internationale et à prendre la formulation de la Convention européenne des droits de l’Homme (qui, elle, est ratifiée par tous les pays. En outre elle est accompagnée d’une riche jurisprudence protectrice des libertés)« , explique l’eurodéputé Alain Lipietz sur InLibroVeritas.

« De l’avis des Verts, ce texte est encore meilleur que le texte initial de notre amendement, et surtout mieux placé et juridiquement plus solide« , ajoute-t-il.

Mais il ne devrait pourtant pas faire obstacle à la création d’une autorité administrative comme l’Hadopi, contrairement à l’amendement Bono qui exigeait explicitement un recours au juge judiciaire avant toute suspension de l’accès à Internet.

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