Pas question de généraliser le pilori numérique pour les condamnés ! Placée devant le fait accompli avec une loi de 2014 concertant les employeurs coupables de travail illégal, la CNIL a prévenu le gouvernement que toute généralisation des publications de condamnations sur Internet serait inacceptable.

La loi du 10 juillet 2014 visant à « lutter contre la concurrence sociale déloyale » avait innové en toute discrétion, en prévoyant à son article 8 que les noms et états civils des personnes condamnées pour travail dissimulé, pour emploi de travailleurs étrangers en situation irrégulière et autres travail illégal soient publiés sur Internet.

« La juridiction peut ordonner que cette diffusion soit opérée, pour une durée maximale de deux ans, par les services du ministre chargé du travail sur un site internet dédié », prévoit désormais le code du travail. Ce faisant, il crée une sorte de mise au pilori numérique, inédite en France. Jusqu’alors, les juridictions pouvaient ordonner la publication d’extraits de condamnations judiciaires dans la presse, mais il n’existait pas de site internet dédié qui rassemble les noms de tous les condamnés.

Or c’est justement une dérive que condamne la CNIL. À l’occasion de la publication du décret d’application de la loi de 2014, la Commission a rendu public l’avis acerbe qu’elle avait adressé au gouvernement. Même si elle est est pieds et poings liés par la loi adoptée par le Parlement, la CNIL ne cache pas son agacement.

Une portée infamante excessive

Faisant remarquer qu’elle « n’avait pas été consultée avant l’adoption de la loi », elle rappelle tout d’abord « qu’un juste équilibre entre le caractère public d’une décision de justice et sa libre accessibilité sur internet doit être recherché pour éviter une atteinte excessive aux droits des personnes, au nombre desquels figurent en particulier le respect de la vie privée et la préservation des chances de réinsertion ».

La CNIL pointe des « questions de cohérence » soulevées par le dispositif et ne comprend pas pourquoi le législateur a prévu ce mécanisme pour ces infractions-là, qui ne sont pourtant pas les plus sévèrement plus punies par la loi.

robots.txt pour interdire l’indexation

Le gendarme de la vie privée craint d’y voir de la part du gouvernement une volonté d’expérimenter une publication qui pourrait progressivement être généralisée à l’ensemble des infractions pénales. Elle prévient donc d’emblée qu’elle « considère qu’une telle systématisation de la diffusion sur internet des condamnations, par la portée infamante qu’elle comporte, serait de nature à porter une atteinte excessive aux droits et libertés fondamentaux ».

Las, elle ne peut pas faire obstacle à ce que la loi impose, et doit donc se contenter de minimiser les dégâts, en particulier pour s’assurer que les listings ne soient pas archivés à long terme par des internautes peu soucieux du droit à l’oubli.

Les condamnations seront diffusées sous formes d’images (des fichiers JPG) difficilement indexables, auront un fichier robots.txt interdisant en principe leur référencement par les moteurs de recherche, et « chaque internaute, avant de consulter les listes de condamnations, devra accepter ces conditions en cochant une case prévue à cet effet ». Des mesures de sauvegarde déjà imposées pour les déclarations de patrimoine des parlementaires, ou pour les déclarations d’intérêts des professionnels de santé.

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