A quelques heures de l’adoption du premier volet du Paquet Télécom par le Parlement européen, la tension est plus forte que jamais sur les députés. Ils sont arrachés entre la nécessité de trouver un compromis pour ne pas faire échec à l’adoption de la réforme des télécommunications, et celle de satisfaire l’attente des citoyens européens qui, à quelques semaines des élections, comptent sur leurs eurodéputés pour voter l’amendement Bono contre la riposte graduée.
« La pression est forte sur le Parlement Européen« , nous concède le cabinet de Guy Bono, qui reçoit depuis hier de nombreuses visites de députés inquiets de l’issue du vote programmé mercredi en fin de matinée. Hier soir, il a été révélé une ultime manœuvre visant à empêcher la discussion sur l’amendement Bono, et favoriser l’adoption du compromis accepté par la rapporteure Catherine Trautmann et par la France. En effet alors que les députés devaient voter d’abord l’amendement Bono, puis éventuellement le compromis, les services du Parlement ont inversé lundi l’ordre du vote. Si le compromis est adopté, l’amendement Bono tombe automatiquement.
Interrogé par Numerama, le cabinet de Guy Bono nous explique que voter d’abord le compromis de Trautmann est conforme à l’esprit des institutions européennes, le Parlement s’efforçant de trouver des compromis. Il est donc de tradition de voter en priorité les amendements les plus larges, donc les plus consensuels, pour éviter que les discussions s’éternisent. « Mais s’il y a bien eu un changement dans la présentation de l’ordre des votes c’est scandaleux« , estime l’assistant parlementaire du député européen, qui n’a pas pu encore vérifier que les services du Parlement avaient bien procédé à l’inversion de l’ordre de vote après que la feuille de route de l’adoption du Paquet Télécom fut distribuée la semaine dernière aux groupes parlementaires.
L’amendement Bono ayant été extrêmement médiatisé, comme probablement jamais aucun amendement du Parlement jusqu’à présent, à la demande des citoyens européens, Guy Bono estime qu’il s’agit « presque d’un référendum d’initiative populaire« , et qu’il serait anormal de ne même pas avoir la possibilité d’en discuter en séance plénière, quelle que soit la tradition de compromis du Parlement.
Mardi matin, alors qu’il pensait intervenir en commission lors d’un débat qui portait notamment sur son propre amendement, le député européen a eu la désagréable surprise d’apprendre qu’il n’aurait pas la possibilité de parler. Il a donc vu d’autres députés s’exprimer sur l’amendement qu’il a lui-même défendu pendant des mois, avec Daniel Cohn-Bendit. Une situation ubuesque, qui ressemble à une manœuvre supplémentaire.
En réaction, Guy Bono a prévu de demander mercredi matin un rappel au règlement pour demander au président de séance d’accepter qu’une discussion sur son amendement puisse avoir lieu avant le compromis Trautmann.
Si cette demande est rejetée, il votera contre le compromis, avec probablement l’ensemble des socialistes français (qui représentent 31 des 208 socialistes européens). Une telle position devrait suffir à manifester un désaccord politique, sans mettre en danger le compromis qui, s’il est moins fort juridiquement que l’amendement Bono, reste opposable sur le long terme à l’Hadopi.
Si la demande d’inversion du vote est acceptée, les socialistes voteront pour l’amendement Bono, qui a cependant peu de chance d’être accepté par une majorité du Parlement, mais qui obligera Catherine Trautmann à défendre publiquement les raisons qui l’incitent à préférer le compromis, pourtant moins contraignant pour l’Hadopi.
Quel que soit le scénario, il est aujourd’hui très peu probable que l’amendement Bono initial soit adopté, et donc que soit affirmée l’obligation de recourir à un « ordre préalable » de « l’autorité judiciaire » avant toute suspension de l’accès à Internet. La France aura simplement l’obligation de respecter avec l’Hadopi les principes du procès équitable, ce qui ouvre la voie à un lourd contentieux avant que la riposte graduée ne soit éventuellement suspendue.
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