C’est désormais officiel. Jean-Ludovic Silicani, ancien président du Conseil Supérieur de la Propriété littéraire et artistique (CSPLA), prend la tête de l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes (Arcep). Une nomination qui pourrait être lourde de conséquences pour le filtrage des contenus.

En apparence, ça n’est qu’une mutation de plus dans le jeu des chaises musicales qui se pratique allègrement aux sommets de l’Etat. Mais politiquement, le symbole est fort et risque d’être lourd de sens. Comme nous l’avions rapporté fin avril, le gouvernement a choisi de nommer Jean-Ludovic Silicani à la tête de l’Arcep, suite à la démission pour raisons de santé de son président Jean-Claude Mallet. La décision a été officialisée par décret du Président de la République daté du 8 mai 2009, pris après avis favorable des commissions des affaires économiques de l’Assemblée nationale et du Sénat.

Or M. Silicani n’est pas n’importe quel haut fonctionnaire. Ce conseiller d’Etat de 57 ans était en effet depuis 2001 le président du Conseil Supérieur de la propriété littéraire et artistique (CSPLA), une administration rattachée au ministère de la Culture, où il a défendu l’idée du filtrage et du contrôle de la diffusion des des œuvres sur Internet, contre la neutralité du net.

Sa nomination à la tête de l’organe de régulation des télécoms pose donc déjà la direction que devrait suivre l’Arcep lorsque les projets de filtrage du net se concrétiseront, très vite avec la loi sur les paris en ligne, puis avec la loi sur la sécurité intérieure.

Le député socialiste Patrick Bloche s’est inquiété de cette nomination la semaine dernière, lors de l’examen du projet de loi Création et Internet. Son propos vaut d’être repris in extenso :

« Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, à l’occasion de ce travail de toilettage du code de la propriété intellectuelle, que nous entreprenons, je veux faire part d’un certain étonnement.

Dès que j’ai été élu député, je me suis intéressé à ces questions souvent compliquées et toujours polémiques, que posent le droit d’auteur et la propriété intellectuelle. Il y a une dizaine d’années, comme mon collègue Christian Paul, j’ai été chargé, à la demande de M. Jospin, alors Premier ministre, d’une mission de six mois sur ces sujets. Fin 1998, je lui ai remis un rapport sur la présence internationale de la France et de la francophonie dans la société de l’information. J’y plaidais, dans un souci d’apaisement, pour la création d’un organisme de médiation. Le Conseil supérieur de la propriété littéraire et artistique a été mis en place par Catherine Tasca en 2001.

Inutile de cacher que j’ai été déçu par cette instance, dont j’avais souhaité la création. Elle n’a pas su aborder certains sujets avec la sérénité nécessaire. On se souvient de la manière dont se sont déroulés les débats sur DADVSI et sur HADOPI. En 2005, elle a même publié un rapport préconisant – tenez-vous bien ! – de ne pas reconnaître le droit à la copie privée sur Internet, de défendre autant que possible les DRM et de pénaliser les éditeurs de logiciels de peer to peer. Pour une instance de médiation et de pacification, on peut faire mieux ! Aujourd’hui, fort heureusement le droit à la copie privée sur Internet existe, les DRM disparaissent et les éditeurs de logiciels de peer to peer ne se voient pas pénalisés.

Cela dit, quel n’a pas été mon étonnement, et celui de mon groupe en apprenant que, le jour même où démissionnait, pour des raisons personnelles, M. Jean-Claude Mallet – qui assumait avec compétence et une énergie remarquables les fonctions de président de l’ARCEP, et que, avec certains collègues, dont notre rapporteur, j’ai eu l’occasion d’auditionner -, le Gouvernement a rendu public le nom de son successeur. Il s’agissait en l’occurrence du président du CSPLA depuis 2001, auteur du rapport si polémique que j’ai cité précédemment. Si sa personne n’est pas en cause, cette nomination introduit un mélange des genres, qui ne contribuera pas à l’apaisement. Là où l’intérêt général devrait prédominer, nous craignons que des intérêts corporatistes et financiers l’emportent.« 

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