C’est une controverse qui a frappé Snapchat de plein fouet ce week-end. En procédant au changement de ses conditions générales d’utilisation (CGU), la plateforme de messagerie instantanée ne s’attendait probablement pas à se retrouver en pleine tempête médiatique. Mais c’est pourtant ce qu’il s’est produit lorsque des membres du service ont cherché à décortiquer le nouveau contrat imposé à l’ensemble des utilisateurs.
À l’origine de la vague de mécontentement figure deux principaux reproches. La première porte sur le fait que l’application s’arroge des droits vraiment très étendus sur les contenus éphémères (messages, photos et vidéos) publiés par ses membres, tandis que la seconde concerne le stockage dans le temps de ces fichiers. Des critiques que l’entreprise s’est efforcée de contrer dans un article publié dimanche.
Concrètement, Snapchat explique que ses nouvelles conditions générales d’utilisation ne sont pas radicalement éloignées de celles qui étaient en vigueur auparavant. D’après le site, la mise à jour survenue le 28 octobre poursuit essentiellement trois objectifs :
- rendre le texte de CGU limpide pour le grand public, avec des formulations plus claires pour qu’il puisse le comprendre sans avoir besoin d’un bagage juridique ;
- ajouter des précisions sur les transactions qui peuvent désormais avoir lieu avec le service payant de rediffusion ;
- préciser quelles sont les informations qui sont visibles par les autres usagers, afin de permettre aux membres de retrouver plus facilement leurs proches sur le service.
UNE LICENCE TRÈS VASTE POUR SNAPCHAT
Mais ce sont sur d’autres parties des CGU que la polémique s’est greffée. Concernant les droits sur les photos, Snapchat annonce en effet que :
« Vous accordez à Snapchat une licence mondiale, perpétuelle, gratuite, licenciable et transférable pour héberger, stocker, utiliser, afficher, reproduire, modifier, adapter, éditer, publier, créer des œuvres dérivées, représenter publiquement, diffuser, distribuer, syndiquer, promouvoir, exposer et afficher publiquement le contenu sous n’importe quelle forme, dans n’importe quel média et selon la méthode de distribution de notre choix (déjà connue ou à venir) ».
Le moins que l’on puisse dire, c’est que Snapchat ratisse très large. D’ailleurs, la plateforme l’admet bien volontiers. « C’est vrai que nos CGU nous accordent une licence étendue pour utiliser le contenu que vous créez », écrit-elle sur son blog. Pour résumer, elle s’accorde un maximum de droits pour manipuler les contenus des usagers, du moment que cela ne nuit pas à leur droit à l’image.
Cela étant, ces conditions sont-elles vraiment nouvelles ?
Pas du tout. Elles étaient déjà en vigueur sur Snapchat avant le 28 octobre. Un lecture de l’ancienne version des CGU révèle que la messagerie instantanée s’accordait déjà une licence très vaste sur les messages, les vidéos et les photos de ses utilisateurs. Le seul changement à ce niveau-là est purement rédactionnel, afin de le rendre plus explicite (et visiblement, ça a trop bien marché vu l’ampleur de la polémique !).
UNE SUPPRESSION AUTOMATIQUE, MAIS…
L’autre élément qui a provoqué une levée de boucliers porte la suppression des fichiers. En principe, Snapchat les détruit à l’expiration du délai décidé par l’émetteur : si celui-ci fixe une durée de vie de 10 secondes, le destinataire n’aura pas un instant de plus pour en profiter (sauf s’il parvient à prendre une capture d’écran avec son mobile). Tout Snapchat a été construit autour de ce mode de fonctionnement très particulier.
Mais le service veut être clair : les contenus restent privés, même avec la mise à jour des CGU. Et ils sont toujours « effacés automatiquement de nos serveurs une fois que nous avons détecté qu’ils ont été affichés ou que leur durée de vie a expiré ». Cette politique demeure, même si les termes pour la décrire ont été actualisés afin de la rendre plus compréhensible.
« Snpachat ne stocke pas — et ne l’a jamais fait — vos messages ou vos fichiers multimédias. Et parce que nous continuons de les effacer de nos serveurs dès qu’ils sont lus, nous ne pouvons pas — et nous ne le faisons pas — les partager avec des annonceurs ou des partenaires commerciaux », explique la plateforme. Et cette règle générale contient évidemment un certain nombre d’exceptions.
Snapchat efface les contenus après visualisation. Mais cette règle générale a ses exceptions. Et un fichier peut être retrouvé même après suppression.
Dans sa charte consacrée à la vie privée, Snapchat explique par exemple que certains contenus peuvent avoir une durée de vie plus longue et qu’ils peuvent, de fait, être stockés sur les serveurs de l’entreprise, même après leur visualisation par le destinataire. C’est le cas par exemple des contenus circulant via les fonctionnalités My Story, Replay et Live (cela peut durer jusqu’à 24 heures ou, dans de rares cas, indéfiniment).
Snapchat explique aussi qu’il « ne peut garantir que les messages et les métadonnées correspondantes seront effacées dans un délai spécifique. Gardez à l’esprit que nous pouvons également conserver certaines informations dans des sauvegardes pour de courtes périodes de temps ou en fonction des exigences de la loi. Cela s’applique même après que nous ayons effacé les messages et les métadonnées correspondantes de nos serveurs ».
« Par ailleurs, nous recevons parfois des demandes provenant des autorités judiciaires qui nous obligent à suspendre notre processus habituel de suppression côté serveur afin d’obtenir des informations précises. Enfin, bien sûr, comme toute information numérique, il peut y avoir des moyens pour accéder aux messages alors qu’ils sont stockés temporairement sur l’appareil du destinataire ou via une enquête informatique, même après suppression », poursuit le service.
LES INTERNAUTES ET LES CGU
Avec cette mise au point, qui survient plusieurs jours après la publication des nouvelles CGU, Snapchat n’espère qu’une chose : que la controverse cesse. De son point de vue, elle est totalement injustifiée : pourquoi un tel emportement, alors que les conditions générales d’utilisation restent globalement les mêmes ? Seule leur rédaction et la présentation ont changé.
Reste qu’il n’a pas de fumée sans feu. Il est vrai que l’entreprise reste parfois assez évasive sur certains points ou ne liste pas tous les cas de figure justifiant telle ou telle exception. Mais Snapchat sait aussi que son image de marque est engagée : les CGU étant publiques, et le groupe s’étant beaucoup avancé sur la vie privée des usagers, ces derniers savent à quoi s’en tenir. Au moindre écart, le retour du bâton médiatique sera rude.
[floating-quote float= »right »]Très rares sont les internautes à lire vraiment les CGU[/quote]
L’affaire que traverse Snapchat n’est pas sans rappeler, dans une moindre mesure, celle vécue par Instagram il y a quelques années. À la fin de l’année 2012, le service a voulu déployer de nouvelles CGU mais celles-ci, très controversées, ont provoqué la colère des utilisateurs. Devant l’ampleur de la fronde, le site a préféré les annuler. Depuis, de nouvelles règles ont été mises en place.
Elle met aussi en lumière le fait que les conditions générales d’utilisation ne sont quasiment jamais lues par les internautes lorsqu’ils s’inscrivent à un service quelconque. Dès lors, ils acceptent sans en avoir conscience de nombreuses règles qui concernent directement leurs données personnelles et leurs contenus. À leur décharge, il faut bien admettre que les CGU sont souvent complexes et trop longues à lire.
Pour changer cette situation, plusieurs pistes sont évoquées : les entreprises pourraient de leur propre initiative simplifier et raccourcir la rédaction de ces contrats. Il a aussi été question pendant un temps de faire des CGU raccourcies et simplifiées une obligation légale (en Californie en tout cas). En attendant, il existe des sites comme Terms of Service;Didn’t Read (ToS;DR, en référence à l’expression Too Long;Didn’t Read : TL;DR) qui proposent de résumer le contenu des CGU des principaux sites sur le net.
Vous avez lu 0 articles sur Numerama ce mois-ci
Tout le monde n'a pas les moyens de payer pour l'information.
C'est pourquoi nous maintenons notre journalisme ouvert à tous.
Mais si vous le pouvez,
voici trois bonnes raisons de soutenir notre travail :
- 1 Numerama+ contribue à offrir une expérience gratuite à tous les lecteurs de Numerama.
- 2 Vous profiterez d'une lecture sans publicité, de nombreuses fonctions avancées de lecture et des contenus exclusifs.
- 3 Aider Numerama dans sa mission : comprendre le présent pour anticiper l'avenir.
Si vous croyez en un web gratuit et à une information de qualité accessible au plus grand nombre, rejoignez Numerama+.
Si vous avez aimé cet article, vous aimerez les suivants : ne les manquez pas en vous abonnant à Numerama sur Google News.