Lorsqu’un homme politique décide d’écrire un livre, c’est rarement dans un but alimentaire. Porteur d’un message, que ce soit des propositions ou de l’opposition, le livre politique est en principe perçu par son auteur comme une publicité, au sens noble du terme. C’est le livre qui doit faire connaître au public les idées que son auteur défend, et pour lesquelles il demande à être élu. Il n’y a pas de leader politique sans plume. Même Nicolas Sarkozy, qui n’est pas connu pour son amour des Lettres, avait publié un ouvrage pour les élections présidentielles.
Le livre politique, donc, est une publicité. Une publicité qui coûte cher au consommateur citoyen. Au bas mot une dizaine d’euros, qui excluent le livre d’un lectorat désoeuvré, ou a priori désintéressé. Beaucoup de ceux qui prennent la peine d’acheter un livre politique sont les sympathisans de celui ou celle qui l’a écrit. C’est prêcher des convaincus. Ou rassembler les troupes, diront les optimistes. Mais pour convaincre les électeurs qui ne partagent ou ne connaissent pas ses idées, le paiement est une barrière placée entre l’auteur et le public qu’il cherche à convaincre.
Dès lors, il est intéressant de revenir sur l’initiative de Nicolas Dupont-Aignan (NDA) président du mouvement Debout La République, et candidat aux élections européennes. Comme nous le rapportions jeudi, le député a décidé de publier son Petit livre mauve sous licence Creative Commons, avec l’éditeur InLibroVeritas. Disponible gratuitement en ligne, l’ouvrage peut être copié-collé librement, rediffusé auprès de ses amis ou collègues, et commandé en version papier à seulement 2 euros l’exemplaire. Le but : multiplier le poids publicitaire de l’ouvrage, en faisant sauter la barrière financière qui sied habituellement aux livres publiés en librairie.
De ce point de vue, c’est un succès. Contacté par Numerama, son éditeur InLibroVeritas est très satisfait du résultat de l’opération. Samedi, le « Petit livre mauve » de NDA comptait 1560 lectures. Deux jours plus tard, il a dépassé les 2300 lectures. Or « une lecture est comptée quand la personne qui affiche le livre à l’écran a parcouru plus de 10 % du livre, soit ici 19 pages« , nous précise Mathieu Pasquini, fondateur de InLibroVeritas. « C’est plus que du feuillettage et ça permet de ne pas compter le gens qui viennent sur la page et s’en vont automatiquement« . Ca ne compte pas, en plus, ceux qui ont profité de la licence Creative Commons pour publier le livre autour d’eux, légalement.
Pour Nicolas Dupont-Aignan, dont le mouvement n’est pour le moment crédité que d’environ 1 % des intentions de vote aux prochaines élections européennes, le recours à ce mode de diffusion était très judicieux. A titre de comparaison, le président du groupe UMP Jean-François Copé, qui a lui-même publié ce mois-ci un ouvrage chez Albin Michel, comptait seulement 830 ventes la deuxième semaine de mai, sous une forme qui ne permet pas aux citoyens de s’échanger ses écrits ou d’y accéder facilement, gratuitement. Peut-être, s’il avait choisi Internet et les Creative Commons comme mode de diffusion, son ouvrage aurait-il été mieux lu.
Pas sûr, cependant, que l’expérience de NDA fasse mouche chez les responsables politiques. Il reste un atout de l’éditeur traditionnel que InLibroVeritas peine encore à satisfaire : le carnet d’adresses qui offre l’accès aux plateaux de télévision et aux grands journaux. Car le rôle d’un livre politique est peut-être finalement moins d’être lu que de faire parler de soi dans les médias. Et sur ce plan-là, Jean-François Copé bat encore Nicolas Dupont-Aignan à plates coutures.
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