À partir de 2016, la Chine demandera à tous les services de musique en ligne de s’assurer que toutes les chansons diffusées sont conformes à des lignes directrices fournies par le ministère de la Culture, pour garantir l’unité sociale du pays. Un basculement vers l’auto-régulation qui rapproche la Chine de méthodes plus occidentales, sur la forme davantage que sur le fond.

La Chine a prévenu qu’elle faisait du renforcement de la censure sur internet une priorité pour les cinq prochaines années, et ça passe aussi par la musique en ligne. Les autorités chinoises avaient déjà publié cette année des listes de chansons interdites sur internet (essentiellement du rap), mais bientôt les services en ligne qui diffusent des chansons devront mettre en place leur propre comité de censure pour éviter que la jeunesse ne soit corrompue par des mélodies et des paroles que l’ordre et la morale réprouvent.

Le ministère de la Culture de Chine a en effet publié cette semaine une directive qui s’impose à tous les services de musique en ligne. Elle rappelle le principe selon lequel tout éditeur de service sur internet doit « adhérer à l’unité sociale et économique » du pays, et donner la priorité aux objectifs de cohésion sociale, en engageant sa propre responsabilité.

Un permis à points pour uploader des chansons

Elle demande ainsi aux services de streaming et de téléchargement de MP3 de mettre en place un « système d’auto-évaluation » de toute chanson ajoutée au catalogue ou envoyée par un utilisateur pour être référencée. Les comités de censure privés devront suivre des lignes directrices établies par le ministère de la Culture, et les entreprises devront effectuer des contrôles aléatoires pour vérifier qu’elles sont bien suivies.

Xiami, un service de musique en ligne édité par Alibaba

Xiami, un service de musique en ligne édité par Alibaba

La directive impose que les éditeurs de services de musique en ligne dont les chansons hébergées sont envoyées par les utilisateurs mettent en place des systèmes de « crédits », qui seront une forme de permis à points pour le partage de chansons. Les utilisateurs qui partagent des chansons jugées dangereuses pour « le développement sain et ordonné de la Chine » recevront des avertissements, et pourront être blacklistés, voire poursuivis en justice en cas de récidives.

Les entreprises concernées mettront elles-mêmes en jeu leur responsabilité civile ou pénale si elles ne suivent pas ces instructions, qui entreront en vigueur à partir du 1er janvier 2016.

[floating-quote float= »right »]Des propositions françaises pas si éloignées[/quote]

Même si le mécanisme est typique de la censure à la chinoise, il n’est au fond pas si éloigné de ce que le CSA propose en France pour réguler la vidéo en ligne en encourageant l’adhésion à des chartes de contenus (sous peine de perdre des avantages en cas de violation de la charte), de ce que proposait le rapport Lescure avec la création d’un statut de « services culturels en ligne », ou de ce à quoi la réforme de la loi pour la confiance dans l’économie numérique pourrait aboutir.

Il y a fort heureusement une différence de degré certaine, et la France n’en est plus à chercher à censurer des chansons (quoique), mais la différence de nature sur la méthode employée est plus ténue qu’on ne l’imagine.

C’est d’autant plus vrai que la Chine fait ici le pari de l’auto-régulation, ce qui est conforme à la vision occidentale libérale de la censure, déléguée aux pouvoirs privés. Tout le problème démocratique devient alors le risque d’un excès de zèle dans l’auto-censure, puisque des entreprises peuvent être tentées de ne prendre aucun risque avec leur responsabilité pénale et de censurer ce que l’État lui-même n’aurait pas censuré, pour éviter toute poursuite.

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