Invité dimanche du journal de 20H sur TF1, l’ancien chef de l’État Nicolas Sarkozy est à nouveau revenu sur l’idée de considérer la simple lecture de sites liés au terrorisme comme du terrorisme à part entière. « Sur Internet, toute personne convaincue de consulter les sites djihadistes doit être considérée comme djihadiste, ce doit être reconnu comme un délit. Il faut prendre la même mesure que pour la consultation de sites pédophiles », a-t-il déclaré.
Il s’agit d’une antienne pour le président des Républicains. Nicolas Sarkozy avait même annoncé cette mesure comme une décision prise, au lendemain de la tuerie opérée par Mohammed Merah en mars 2012. Il avait en effet annoncé que « toute personne qui consultera de manière habituelle des sites internet qui font l’apologie du terrorisme, ou véhiculant des appels à la haine ou à la violence, sera puni pénalement ».
Un délit déjà existant, mais pas autonome
Actuellement l’article 421-2-6 du code pénal créé par la loi du 13 novembre 2014 dispose que :
« I.-Constitue un acte de terrorisme [une préparation d’action terroriste … ] caractérisée par :
1° Le fait de détenir, de rechercher, de se procurer ou de fabriquer des objets ou des substances de nature à créer un danger pour autrui ;
2° Et l’un des autres faits matériels suivants :
(…)
c) Consulter habituellement un ou plusieurs services de communication au public en ligne ou détenir des documents provoquant directement à la commission d’actes de terrorisme ou en faisant l’apologie ;
Lors des débats sur la loi d’orientation et de programmation pour la protection de la sécurité intérieure (Loppsi), l’Assemblée nationale qui avait changé de majorité avait finalement rejeté le dispositif, qui ne faisait pas l’unanimité y compris dans les rangs de l’ex UMP. Même dans les sondages, le sujet divisait les Français, partagés entre l’impératif de sécurité et la nécessité de préserver les libertés, y compris la liberté de consulter des informations sans que l’État décide de ce qu’est une lecture légale et ce qu’est une lecture illégale.
L’idée de faire d’un délit la consultation de sites d’apologie ou d’incitation au terrorisme a toutefois resurgi en 2014, avec le plan anti-djihad présenté par Manuel Valls. Il a abouti à la promulgation en novembre 2014 de la loi renforçant les dispositions relatives à la lutte contre le terrorisme, qui a prévu à la fois le blocage de sites internet sur simple ordre administratif, et la pénalisation de la visite régulière de sites terroristes.
Mais le délit actuellement prévu par l’article 421-2-6 du code pénal n’est pas autonome, en ce sens qu’il ne suffit pas simplement de visiter des sites terroristes pour être condamnable.
Pour condamner un individu en tant que terroriste, il faut que le fait de « consulter habituellement un ou plusieurs services de communication au public en ligne ou détenir des documents provoquant directement à la commission d’actes de terrorisme ou en faisant l’apologie » soit réalisé « intentionnellement en relation avec une entreprise individuelle [terrroriste] ». Il faut en plus qu’il soit accompagné du « fait de détenir, de rechercher, de se procurer ou de fabriquer des objets ou des substances de nature à créer un danger pour autrui ».
C’est cette mise en contexte que Nicolas Sarkozy souhaite faire disparaître, sur le modèle de l’infraction prévue pour les pédophiles. Il demande en effet de reprendre tel quel l’article 227-23 du code pénal, qui punit de 2 ans de prison et 30 000 euros d’amende « le fait de consulter habituellement » des sites pédopornographiques.
Mais toute la difficulté juridique est dans la qualification des propos. Si l’écrasante majorité des images pédopornogaphiques ne soulève aucun débat sur leur nature illicite ou non, il n’en va pas de même des sites qui diffusent des textes ou des vidéos idéologiques, dont il faut analyser le sens et la portée.
De plus s’il n’y a aucune raison de visiter des sites pédophiles (en dehors des autorités publiques), la visite de sites édités par ou pour l’ennemi a un intérêt beaucoup plus large, notamment pour les journalistes, les chercheurs ou les membres du public qui veulent se renseigner sur ceux que l’on combat et qui nous combattent.
Entre lire et adhérer, et entre adhérer et propager, il y a toute une gamme de degrés qu’un tel délit de lectures ignorerait.
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