Il faut prendre la mesure de l’évènement. Créé il y a seulement trois ans pour défendre une autre idée de la propriété intellectuelle, le Parti Pirate suédois a remporté dimanche plus de 7 % des suffrages, et envoie un député au Parlement européen. Au delà de l’importance du résultat pour les idées défendues par le PiratPartiet, c’est d’abord une démocratie nouvelle qui commence, assise sur Internet.

Mise à jour 00h07 : les dernières projections accordent au Parti Pirate deux sièges, en théorie. Sous l’effet du Traité de Nice, les Suédois ont en effet encore 18 sièges. Mais si le Traité de Lisbonne entre en application au 1er janvier 2010, la Suède bénéficiera de deux sièges supplémentaires, dont un devrait bénéficier au Parti Pirate.

Mise à jour 23h01 : selon les derniers chiffres communiqués, le Parti Pirate aurait rassemblé environ 200.000 votes, ou 7,1 % des voix. Chez les 18-30 ans, il rassemble 19 % des scrutins. Une immense victoire. Le Parti Pirate est le premier parti chez les moins de 30 ans !

Les sondages avaient vu juste. Comme l’avait prédit la London School of Economics, le Parti Pirate suédois (PiratPartiet) a frôlé dimanche les 8 % de voix lors des élections européennes. Une victoire d’une ampleur inimaginable il y a encore quelques mois. Le PiratPartiet a aujourd’hui l’assurance d’envoyer un député au Parlement Européen, et peut-être même deux.

Dimanche soir, avant la publication définitive des résultats, les prédictions à la sortie des urnes donnaient 7,4 % de voix au Parti Pirate, qui défend l’idée d’une refonte totale du droit d’auteur, d’une suppression des brevets et de la défense des libertés et de la vie privée sur Internet. Il leur fallait 4 % de voix pour accéder au Parlement, ils ont fait près du double.

Grâce, c’est l’ironie, à leurs premiers adversaires. C’est en effet la condamnation des administrateurs de The Pirate Bay à un an d’emprisonnement qui a véritablement dopé la campagne du Parti Pirate.

Pour les défenseurs du Peer-to-Peer et des libertés sur Internet, c’est une immense victoire. Ca n’est bien sûr qu’un siège, une goutte d’eau, mais il donnera accès au droit de déposer des amendements, d’accéder aux textes en préparation, et d’observer les agissements des lobbys de l’intérieur.

C’est aussi et surtout un symbole. Un symbole très fort, qui devrait inspirer bien au delà de la cause défendue par les Pirates.

Car il faut rappeler que le Parti Pirate n’a été créé qu’en 2006, il y a seulement trois années. En trois petites années, des citoyens ont pu se rassembler, s’organiser sans le moindre financement public, pour accéder au Parlement Européen avec l’espoir de peser sur l’orientation politique de l’Europe. Du jamais vu.

C’est Internet qui a permis à un petit parti politique, venu de nulle part, de s’organiser. Au delà de la victoire du Parti Pirate, c’est un nouveau chapitre de la vie politique qui s’ouvre. Auparavant, les candidats qui n’avaient pas accès aux médias traditionnels n’avaient aucune chance de l’emporter face aux mastodontes. Avec Internet, devenu lui-même un média très puissant, le rêve démocratique porté par le Parti Pirate est devenu accessible. Quel que soit le sujet défendu.

« Ensemble, nous avons changé aujourd’hui le paysage de la politique européenne« , s’est félicité dans la soirée Rick Falkringe, le porte-parole du Parti Pirate, auprès du blog TorrentFreak. « Quelle que soit la manière dont cette soirée se termine, nous l’avons changée. Ca fait un bien fou. Les citoyens ont compris qu’il était temps de faire la différence.« 

Ce constat du poids d’Internet dans une démocratie nouvelle n’est d’ailleurs pas étranger à la défaite cinglante de François Bayrou et de son MoDem, en France. Nous l’avions dit à de nombreuses reprises ; en n’affichant pas une opposition ferme et musclée à l’Hadopi, le leader centriste s’est coupé du soutien des internautes qui l’avaient porté proche du sommet en 2007. Electoralement, la défense des libertés numériques n’est encore qu’un sujet mineur en France. Mais en ne prenant pas au sérieux ce sujet-là, Bayrou n’a pas donné aux internautes l’envie de le soutenir sur l’ensemble de sa campagne. Combien de points, au final, cela lui a-t-il coûté ?

Au contraire, Europe Ecologie et son leader Daniel Cohn-Bendit ont solidement affiché des positions anti-Hadopi, en défendant l’amendement Bono (d’ailleurs co-signé par Cohn-Bendit) au Parlement Européen, et en prenant l’engagement de défendre une libéralisation des échanges de fichiers non commerciaux. Contrairement à celle du MoDem, la position d’Europe Ecologie a été sans ambiguité. Elle l’a aidé à gagner le soutien de relais d’opinion sur Internet.

Il faudra, désormais, que le Parti Pirate transforme ce succès électoral en actions. Et en mouvement européen. Pour le moment, le PP suédois est le seul à connaître un tel succès. Le Parti Pirate allemand, lui aussi engagé (plus tardivement) dans la campagne, n’a rassemblé qu’un pourcent des voix. Mais avec l’exemple suédois, les partis politiques de toute l’Europe ne pourront plus prendre à la légère les idées défendues par « les pirates ». C’est le principal enseignement de ce résultat. Une page se tourne.

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