À la suite des attentats du 13 novembre dernier à Paris, le gouvernement a promulgué le week-end dernier la loi prorogeant l’état d’urgence jusqu’à la fin du mois de février 2016. Le texte confie à l’autorité administrative des pouvoirs exceptionnels qui dérogent aux droits fondamentaux garantis en temps normal.
Il donne en particulier à la police la possibilité d’effectuer des perquisitions de jour comme de nuit sans qu’elles soient autorisées et contrôlées par un juge, et ajoute différentes prérogatives comme la possibilité d’astreindre un individu à résidence sans autre motif que l’état d’urgence, de lui interdire toute communication avec des tiers sur Internet, de faire bloquer sans aucun délai l’accès à des sites internet, ou encore d’utiliser les smartphones ou ordinateurs trouvés lors de perquisitions pour copier toutes les données accessibles, y compris dans le Cloud.
Selon le dernier décompte officiel, la police française aurait réalisé à ce jour :
- 1 233 perquisitions
- 165 interpellations
- dont 142 aboutissant à une garde à vue
- 230 armes saisies
- 266 assignations à résidence
Mais derrière ce bilan froid se cachent des situations très diverses. Contrairement aux perquisitions hors état d’urgence, celles-ci ne sont ni autorisées par un juge qui vérifie leur proportionnalité par rapport aux soupçons, ni réalisées en situation de flagrance. Le risque d’abus de la procédure et de dérives est donc important, d’autant que le ministère de l’Intérieur a fait savoir très tôt qu’il ne s’intéressait pas seulement aux terroristes eux-mêmes, mais aussi aux réseaux de délinquants ou criminels qui « pourraient » directement ou indirectement financer le terrorisme.
C’est donc pour observer l’usage fait de l’état d’urgence par les autorités françaises que la Quadrature du Net a décidé d’héberger son wiki un recensement des actions entreprises en vertu de ce régime spécial temporaire (Le Monde a également ouvert un Observatoire, beaucoup moins complet). Ce recensement « sera utile notamment lorsqu’on aura à traiter la modification constitutionnelle annoncée par le gouvernement », prévient l’association.
Sans les juger, le wiki de la Quadrature liste déjà des dizaines de cas rapportés dans la presse de perquisitions n’ayant abouti à rien, et/ou pour lesquelles les moyens déployés et la méthode peuvent paraître disproportionnées. Toute la difficulté étant, bien sûr, qu’il est impossible (du fait du secret-défense) de savoir si les soupçons des enquêteurs étaient suffisamment sérieux pour justifier de telles opérations policières, ou si le curseur s’est déplacé un peu trop vers le « préventif ».
Comme le reconnaissait mardi le secrétaire général du syndicat Unité SGP-Police FO à iTélé, « l’état d’urgence déroge à l’état habituel et ne permet pas des vérifications aussi nombreuses » et donc, « quand on procède à des perquisitions qui ne donnent rien, on sait que c’était des pistes qui s’avéraient être des fausses pistes ».
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