C’est difficile à concevoir, mais il faut désormais composer avec un paysage numérique au sein duquel certains faux comptes publient des messages à visée politique, alors qu’ils n’ont pas été créés à des fins de manipulation de l’opinion publique. C’est le thème de la chronique de Numerama, dans l’émission le Meilleur des mondes sur France Culture.

Le web pullule de faux comptes coordonnés, qui visent à manipuler l’opinion. Mais imaginez maintenant, des faux comptes désordonnés. Des bots qui pèseraient dans le débat public, alors qu’ils n’ont jamais été construits à ces fins.

Ça existe, en France. C’est une découverte qui a récemment été mise en lumière à la suite d’un article d’Arrêt sur Images. Le site d’info y a donné la parole à des journalistes spécialisés dans l’énergie, souvent malmenés en ligne par certains militants pro-nucléaires. 

Au milieu de certaines plaintes, qui peuvent se comprendre, l’une des accusations a été mise à mal. Il s’agit de celle du directeur de l’Agence de la transition écologique des Hauts-de-France. Il a plusieurs fois dénoncé des comptes Twitter qu’il identifiait comme des robots pronucléaires, parce qu’ils copient collent régulièrement les mêmes messages critiques.

Sauf que la réalité est ailleurs. Ces comptes Twitter sont bien des faux. Mais ils n’ont aucune visée politique ou morale. Il s’agit très bêtement de robots créés par des internautes pour gagner des jeux concours. 

C’est le journaliste Vincent Glad qui l’a démontré dans une série de tweets. Lorsque l’on se rend sur ces faux profils, comme j’ai pu le faire, on observe qu’ils passent leur temps à retweeter des concours dans l’espoir d’être tirés au sort. Playstation 5, places de concert, tout y passe.

Quand les faux comptes créent le chaos par accident

Mais alors, pourquoi ces comptes parlent-ils aussi de politique ? Parce qu’en 2023, créer un faux compte crédible, ce n’est pas aussi simple qu’il y a dix ans. Les plateformes ont des outils pour les détecter et les bannir. Ces internautes avides de concours en ligne ont donc rajouté une dose d’aléatoire dans le code de leurs petits bots. C’est ainsi qu’une fois tous les quatre matins, ces faux comptes vont copier-coller des phrases issues des tweets les plus populaires du jour… Et contribuent alors à amplifier un message et donner cette impression de volume, que les utilisateurs, les vrais, les humains, constatent en bout de chaîne.

Aucune thématique n’est épargnée, j’ai mentionné le nucléaire, mais ils peuvent parler réforme des retraites, Macron ou PPDA : tout ça, c’est du pur hasard. Et c’est profondément bouleversant dans notre manière de comprendre ce qu’il se passe en ligne. On a mis des années à accepter que le web n’était pas un baromètre fiable de l’opinion publique, que les fake news pullulent. Il faut désormais composer avec la confusion, l’aléatoire ; soit une nouvelle perte de repères. 

J’ai l’habitude de dire, au sein de la rédaction de Numerama, que « tout est faux, sur internet ». Une injonction à se méfier et à tout vérifier. Il faudrait peut-être que je m’inspire des mots de Mylène et que je l’adapte désormais : sur internet, tout est faux, mais aussi, tout est chaos.

Réécouter l’émission du 24 mars du Meilleur des mondes sur France Culture

L’émission Wagner en Afrique de l’Ouest : les mécanismes d’une guerre informationnelle peut être réécoutée sur le site de France Culture ou en podcast. La chronique de Numerama est à la fin de l’émission.

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