Le texte complémentaire à l’Hadopi que défendra mercredi au Conseil des ministres le tout fraîchement nommé Frédéric Mitterrand prévoirait une amende de 1500 euros contre les abonnés à Internet qui n’ont pas sécurisé leur accès après avertissement de l’Hadopi. Une amende qui dans les faits ne sera probablement jamais appliquée.

Selon la Tribune, qui révèle l’information dans son édition de mercredi, le gouvernement n’aurait pas abandonné l’idée de sanctionner le délit de défaut de sécurisation de l’accès à Internet, que devait faire respecter l’Hadopi. Bien au contraire. Alors qu’il était question de ne plus sanctionner que le délit de contrefaçon, c’est-à-dire le téléchargement illégal, le projet de décret soumis au Conseil d’Etat ferait cohabiter les deux régimes de sanction dans un ensemble qui rend l’Hadopi, sur le papier, plus sévère encore que la loi retoquée par le Conseil constitutionnel. Et plus conforme à la volonté de contrôle du net de Nicolas Sarkozy, puisqu’elle maintient l’intérêt du logiciel de sécurisation à installer sur tous les ordinateurs de France.

Il serait en effet prévu une amende de cinquième classe, soit 1500 euros (voire 3000 euros en cas de récidive) à l’encontre des abonnés à Internet alertés par la Commission de protection des droits de l’Hadopi, dont la ligne a de nouveau été utilisée pour télécharger illégalement sur les réseaux P2P. Le juge aurait également la possibilité de prononcer jusqu’à six mois de suspension d’accès à Internet.

Mais comme Numerama l’avait déjà expliqué, une telle menace n’est pas crédible à la lecture de la décision du Conseil constitutionnel. Elle sera totalement inapplicable. En effet les sages ont condamné l’absence de respect de la présomption d’innocence dans le projet de loi Hadopi. Ils ont reproché au texte de Christine Albanel de laisser à l’abonné la responsabilité de prouver qu’il a bien installé le logiciel de sécurisation de l’Hadopi pour démontrer son innocence, alors qu’il est présumé coupable dès lors lors que son adresse IP figure dans les relevés.

S’il a admis qu’une « présomption de culpabilité » pouvait exister en matière de contravention, le Conseil constitutionnel avait immédiatement posé trois conditions très strictes :

  1. Qu’elle ne « revête de cacactère irréfragable« , c’est-à-dire que la personne accusée ait la possibilité matérielle de démontrer son innocence. Or il semble impossible ou trop difficile à l’abonné lambda d’apporter la preuve que son adresse IP figure dans un relevé d’infractions parce que son accès a été utilisé frauduleusement par un tiers malgré les moyens de sécurisation mis en place, ou parce qu’elle a été interceptée par erreur ;
  2. Que « les droits de la défense » soient respectés, c’est-à-dire que la sanction ne soit prononcée qu’après que l’abonné a pu présenter sa défense. Dans les faits, il suffira de démontrer l’installation (même pas l’activation au moment des faits) d’un système de protection labellisé par l’Hadopi sur n’importe quel ordinateur du foyer pour plaider avec succès son innocence et éviter toute sanction. L’astuce se répandra très vite et, c’est un comble, créera de fait une immunité pour les pirates.
  3. Que les faits rapportés « induisent la vraisemblance de l’imputabilité« , c’est-à-dire que la collecte d’adresses IP par les ayants droit soit suffisamment fiable pour que la marge d’erreur soit extrêment fine. Un fait qui reste à démontrer. Le simple téléchargement illégal détecté n’est pas une preuve suffisante permettant de qualifier le défaut de sécurisation de l’accès à Internet, puisque le projet de loi Hadopi reconnaissait lui-même que l’utilisation frauduleuse par un tiers était un cas d’exonération de responsablité.
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