La scène parait irréaliste : quelques heures après son allocution du 17 avril 2023 très attendue sur la réforme des retraites, Emmanuel Macron chantait dans la rue. Le moment, filmé par des passants sur leurs téléphones portables, a interrogé et fait douter beaucoup de journalistes, suspectant une vidéo générée par intelligence artificielle. Les vidéos sont pourtant bien vraies, comme l’a confirmé l’Élysée auprès du Huffingston Post.
Dans ces vidéos, on peut voir le président se faire interpeller par un groupe de plusieurs hommes, qui lui proposent de chanter avec eux. On les voit entonner ensemble Le Refuge, un chant pyrénéen, en regardant les paroles sur des téléphones portables. C’est ensuite Stanislas Rigault, soutien d’Éric Zemmour, qui précise que les chanteurs utilisent une app appelée Canto pour lire les paroles. L’app, qui se présente comme un outil permettant de sauvegarder le patrimoine culturel français, a cependant des liens étroits avec l’extrême droite, et regroupe des chants militaires nazis.
Des chants militaires du IIIe Reich
Libération est le premier journal à avoir parlé de Canto. Dans un article paru en octobre 2022, le quotidien révélait que l’app avait reçu une subvention de 40 000 euros de la part du ministère de la Culture. Le but revendiqué par Canto est de « trouver tous les chants populaires et traditionnels de France, pour les sauvegarder en numérique », comme il est expliqué sur le site du projet. On trouve ainsi d’anciennes chansons de région, comme Le Refuge, des chants marins, mais également d’autres contenus plus problématiques.
Libération a ainsi retrouvé, parmi les chants disponibles sur Canto, Cara al Sol, « l’hymne de la Phalange espagnole, le mouvement fasciste de Primo de Rivera », écrit le journal. Mais aussi, « les Lansquenets, un chant très populaire chez les nationalistes », ou encore « la complainte catholique intégriste Claquez bannières de chrétienté ». Ce n’est pas tout : Libération a également repéré 2 chants militaires « en vogue sous le IIIe Reich » : Panzerlied, l’un des chants les « plus connus de la Wehrmacht », indique Wikipédia, et Grün ist unser Fallschirmjäger, le chant « des parachutistes de la Luftwaffe écrit en 1941 ».
Ces textes semblent loin de l’objectif indiqué par Canto sur son site. Interrogé par Libération, Gauthier Brioude, le directeur général de l’app, avait pourtant expliqué que « le chant politique fait partie de l’histoire du chant, et c’est à ce titre qu’il est répertorié. Certains sont apparentés à l’extrême droite, d’autres à l’extrême gauche ». Il assurait par ailleurs que les textes, qui peuvent être ajoutés par tous les utilisateurs de la plateforme, allaient être modérés par les équipes de Canto.
Aujourd’hui, plusieurs mois après la publication de l’article, certains des chants litigieux repérés par Libération ont été supprimés, comme les chansons militaires du IIIe Reich. Cependant, d’autres sont toujours disponibles, comme Cara al Sol, Les Lansquenets ou Claquez bannières de chrétienté, comme Numerama l’a constaté.
D’autres liens avec l’extrême droite
Ce ne sont pas les seuls liens de Canto avec l’extrême droite. Le site antifasciste La Horde, qui enquête sur l’extrême droite française, avait révélé que Lucas Chancerelle, le secrétaire de l’association Canto liée à l’app, était un militant d’extrême droite. Selon Libération, c’est aussi le cas du « président et cofondateur » de l’association, un ancien membre du GUD [Groupe union défense, une organisation étudiante d’extrême droite connue pour ses actions violentes, ndrl] qui « présente un CV particulièrement radical ».
Canto a utilisé la subvention du ministère de la Culture pour se développer. L’association a aussi compté sur le soutien de La Nuit du Bien Commun, un évènement caritatif, marqué très à droite, qui fournit de l’argent à des associations « souvent liées aux sphères catholiques dures », rapporte Libération. Enfin, il semblerait qu’il n’y ait pas que les collaborateurs de Canto qui aient des penchants d’extrême droite. Libération a ainsi pu « vérifier que des militants de groupuscules de l’extrême droite radicale socialisent à l’occasion dans les ‘apéros Canto’ organisés par l’association », indique le journal.
Une connivence qui s’est encore confirmée lundi soir : le groupe avec lequel Emmanuel Macron a chanté faisait partie des Chœurs Saint Longin. La chorale se présente comme un « ensemble vocal parisien », dont les membres « chantent régulièrement leur foi à travers un répertoire sacré, leur amour du pays par des chants régionaux et leur amitié lorsque le spirituel cède sa place au spiritueux ».
Il est important de préciser qu’Emmanuel Macron ignorait qu’il s’agissait des Chœurs Saint Longuin lors de leur rencontre. Comme le précise le Huffington Post, l’entourage d’Emmanuel Macron était d’ailleurs « agacé » des « surinterprétations faites par l’extrême droite », ajoutant qu’il « ne pouvait connaître à ce moment-là les antécédents de chaque personne avec laquelle il discutait ». De même, le chef de l’État ne connaissait probablement pas la provenance de Canto.
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