Jean-François Copé le redoutait déjà dans la journée de mercredi, lorsqu’il appelait le Parti Socialiste à faire preuve « d’esprit de responsabilité » en ne faisant pas obstruction lors de l’examen du projet de loi Hadopi 2 pour « bloquer son adoption« . « Je souhaite de tout coeur que les socialistes n’engagent pas une bataille de procédure avec pour objectif de bloquer l’adoption de ce texte« , a-t-il déclaré hier lors d’un point presse. En réponse, les Socialistes ont annoncé leur intention de saisir le Conseil constitutionnel et même le Conseil d’Etat si la loi est adoptée. Et ils pourraient tenter de jouer la montre pour faire prolonger les débats jusqu’en septembre, même s’ils ne devraient pas en avoir la nécessité.
Le programme de l’Assemblée Nationale prévoit un examen du projet de loi Hadopi 2 du mardi 21 juillet au jeudi 23 juillet. Le vendredi, la session parlementaire s’interrompt pour ne reprendre qu’en septembre. Or si les sénateurs ont mis seulement quatre heures à examiner et adopter le texte, le rythme devrait être très différent à l’Assemblée.
Comme le redoute Jean-François Copé, les députés socialistes devraient eux aussi aller « jusqu’au bout », en réponse aux intentions affichées par le Président de la République sur ce dossier. En proclamant l’urgence sur le texte, le gouvernement s’est passé de la navette parlementaire qui oblige à deux lectures dans chaque chambre. Mais comme l’expliquait mercredi le Canard Enchaîné, les modifications du règlement de l’Assemblée qui limitent la durée des débats n’est pas applicable sur les projets de loi étudiés en urgence. Dès lors les socialistes auront tout loisirs de déposer et de défendre un maximum d’amendements pour faire traîner en longueur les débats et éviter une adoption du texte dès la semaine prochaine, pour qu’il fasse son grand retour en septembre.
Mais déjà hier en commission, le débat a été beaucoup plus long et difficile que ne l’avait imaginé le gouvernement. Il a fallu plus de temps aux députés en commission pour examiner le texte avant la séance plénière qu’il n’avait fallu de temps au Sénat pour en débattre et l’adopter. Et la commission ayant déjà modifié le texte, notamment en retirant la très controversée référence aux « communications électroniques » qui faisait peser un risque de surveillance des e-mails, les députés ont déjà remporté une première bataille décisive dans la guerre calendaire.
Si le texte adopté par l’Assemblée Nationale est différent d’une virgule du texte adopté par le Sénat, il faudra convoquer une commission mixte paritaire et de nouveau voter le texte avant son adoption définitive. Ce qui sera le cas, et ce qui fait gagner un temps précieux pour permettre une saisine du Conseil constitutionnel seulement à la rentrée, lorsque le bénéfice politique sera optimum.
De plus selon notre confrère PC Inpact, le groupe socialiste à l’Assemblée va demander un vote solennel pour l’adoption du projet de loi, c’est-à-dire un scrutin annoncé à l’avance qui permet aux groupes de réunir leurs troupes. Il a lieu généralement le mardi soir. Concrètement, il semble très difficile d’envisager un vote solennel avant la rentrée parlementaire, ce qui double les armes disponibles pour le groupe socialiste.
Peu impressionné par Michèle Alliot-Marie, un député de l’opposition avait promis dans les coulisses de l’Assemblée qu’elle connaîtrait « la guerilla numérique« , comme ceux qui se sont frottés avant elle à la régulation des échanges de fichiers sur Internet. Renaud Donnedieu de Vabres avait vécu l’adoption surprise d’un amendement sur la licence globale à la veille de Noël. Christine Albanel avait vu se dérouler sous ses yeux le célèbre « coup du rideau » du 9 avril avec le premier rejet d’un texte après la CMP depuis plus d’un quart de siècle. Y aura-t-il encore une attaque surprise ?
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