C’est finalement une version remaniée de la riposte graduée qu’a présenté hier le gouvernement néo-zélandais, sans pour autant gommer les risques qu’un tel processus risque d’engendrer. En effet, il y a quelques mois encore, le ministre du commerce Simon Power fut obligé de reculer devant la véritable fronde des internautes néo-zélandais soutenus par les fournisseurs d’accès locaux et certaines entreprises, comme Google qui jugeait que le projet « met en danger les droits fondamentaux et les droits procéduraux des utilisateurs, en menaçant de suspendre l’accès à Internet des utilisateurs en se basant sur de simples allégations et en renversant la charge de la preuve sur l’utilisateur qui doit démontrer qu’il n’y a pas eu de délit« .
Le principal point de discorde reposait sur la fameuse section 92A du texte qui comportait beaucoup trop d’incertitudes pour être adoptée. La firme de Mountain View ajoutait à ce sujet que « la Section 92A sape les bénéfices sociaux et économiques d’un internet ouvert et universellement accessible, en prévoyant une peine de suspension ou de résiliation qui est disproportionnée par rapport au dommage de la contrefaçon en ligne« .
Pour résoudre les problématiques soulevées par le projet gouvernemental, le premier ministre avait chargé son ministre du commerce de réécrire les passages les plus flous du texte. Pour se faire, une commission spéciale composée de juristes spécialisés dans la propriété intellectuelle ont participé à l’élaboration de cette nouvelle riposte graduée. La principale avancée de ce nouveau document concerne les FAI qui n’auront pas à jouer le rôle de « police du droit d’auteur » pour l’industrie culturelle. Néanmoins, la riposte graduée est toujours d’actualité, malgré les craintes qu’elle suscite, en particulier sur le volet des sanctions.
Le nouveau cadre est donc le suivant :
°tape 1 : dans le cas où un titulaire constate la violation d’un droit par un internaute (comme la mise en ligne d’un fichier par exemple), celui-ci avertira le FAI correspondant qui se chargera d’alerter l’internaute. Pour cela, le fournisseur d’accès utilisera l’adresse IP fournie par l’ayant-droit pour retrouver l’abonné. Il recevra alors un premier avertissement.
°tape 2 : en cas de nouvelle infraction, le processus de l’étape 1 sera renouvelé, avec en plus l’envoi d’une mise en demeure réclamant l’arrêt de ces activités. À partir de ce point, l’abonné devrait avoir la possibilité de contacter l’ayant-droit.
°tape 3 : si malgré l’envoi de la mise en demeure, l’ayant-droit constate la poursuite des infractions, il pourra alors faire une demande au tribunal en question pour que le FAI remette certaines données personnelles du titulaire pour l’identifier pleinement.
°tape 4 : à ce stade, l’action en justice sera possible. Le tribunal informera alors le titulaire de l’abonnement qu’une plainte a été déposée contre lui. Ce dernier pourra toutefois fournir ses propres explications et passer par une médiation. Dans ce cas, les coûts de la procédure devraient être partagés et un médiateur approuvé par le gouvernement serait envoyé. En cas d’échec, le tribunal pourra décider de sanctionner l’internaute à travers un éventail de sanctions, allant de la simple amende à la coupure de l’accès Internet.
Plusieurs problèmes vont néanmoins survenir rapidement. Tout d’abord, l’actuelle juridiction désignée pour examiner ces litiges ne compte que trois employés travaillant à temps partiel. Or, si l’industrie culturelle se satisfait a priori de ce nouveau texte, elle va rapidement se trouver face à un dilemme : doit-elle poursuivre sans relâche tous les internautes néo-zélandais qu’elle détecte, au risque d’engorger la riposte graduée et la rendre inopérante ? Ou doit-elle lever le pied et limiter les poursuites à quelques cas spécifiques, mais avec l’éventualité de rendre la riposte graduée inoffensive ?
La seule solution viable reste une augmentation drastique des ressources attribuées à ce tribunal, sinon la riposte graduée néo-zélandaise ne sera absolument pas efficace. Toutefois, Matthew Holloway de la Creative Freedom Foundation estime que le système peut quand même fonctionner : « ce n’est pas nécessairement un problème insoluble. Cela pourrait avoir du sens de se restreindre à certaines plaintes spécifiques, en se basant par exemple sur une échelle des infractions. L’échelle peut être ajustée par la suite. Cette méthode serait alors similaire à l’approche du Canada sur la question : la police indique certains petits délits ne font pas l’objet d’une enquête parce qu’ils n’ont tout simplement pas les moyens« . Le document de discussion de l’article 92 bis modifié sera ouvert aux propositions jusqu’au 7 août.
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