(CC bcymet)
On connaît désormais le contenu du projet de loi Hadopi 2 (.pdf) tel qu’il a été adopté en commission des affaires culturelles à l’Assemblée Nationale. C’est sur cette base que les députés déposeront leurs amendements et examineront le texte à partir du mardi 21 juillet. Les changements par rapport à la version du Sénat ne sont pas légion.
A l’article 1er, on notera qu’il est fait explicitement mention de la possibilité de se faire assisté par un avocat dans le cas où l’internaute serait convoqué par les membres de la commission de protection des droits de l’Hadopi. Il a également été supprimé la disposition qui assurait que les procès-verbaux des agents assermentés de l’Hadopi « font foi jusqu’à preuve contraire« . Non pas que le gouvernement se soit aperçu que la disposition posait un problème de présomption de culpabilité, mais simplement que la disposition avait été jugée inutile en commission, les PV des agents assermentés étant toujours en droit réputés comme faisant foi jusqu’à preuve contraire.
Plus importante est la modification apportée à l’article 1er ter du projet de loi. Alors que jusqu’à présent la loi Hadopi disait que la Haute Autorité « peut assortir (une deuxième) recommandation d’une lettre remise contre signature », le texte de la commission prévoit désormais que c’est une obligation. L’Hadopi « doit » désormais envoyer un courrier en recommandé aux abonnés dans le cas où elle souhaite avertir un récidiviste. Une garantie qui devrait gonfler le budget de l’Hadopi et rendre le processus moins souple, mais qui permettra d’étayer les preuves en cas de « négligence caractérisée » que souhaite condamner le projet de loi de Michèle Alliot-Marie et Frédéric Mitterrand.
Par ailleurs, toutes les références aux « communications électroniques » qui faisaient peser le risque d’une surveillance des e-mails et autres services de messagerie ont été supprimées, sauf en ce qui concerne la sanction (nous y reviendrons dans un autre article). Une bonne nouvelle, mais il semblait difficile au rapporteur Frank Riester de faire autrement alors qu’il avait lui-même accepté de retirer déjà cette mention lors de l’Hadopi 1.
Le texte de la commission facilite par ailleurs l’octroi de dommages et intérêts pour les ayants droit qui ne se contenteraient pas des peines d’amende et de suspension de l’accès à Internet. Alors que normalement la procédure simplifiée de l’ordonnance pénale bloque l’accès aux dommages et intérêt, le texte crée un régime d’exception en prévoyant que « la victime peut demander au président (du tribunal) de statuer, par la même ordonnance se prononçant sur l’action publique, sur sa constitution de partie civile« .
Sur la « négligence caractérisée » de l’abonné qui n’aurait pas empêché de nouveaux téléchargements illégaux de se produire avec son accès à Internet, le texte de la commission se veut un peu plus précis. A l’article 3 bis, il est précisé que « la négligence caractérisée s’apprécie sur la base des faits commis au plus tard un an après l’envoi de la recommandation » adressé à l’abonné, laquelle devra « l’inviter à mettre en œuvre un moyen de sécurisation de son accès à Internet« . C’est donc bien la non-installation d’un moyen de sécurisation labellisé par l’Hadopi qui sera constitutif de la négligence caractérisée. Les utilisateurs de Linux risquent rapidement d’être considérés comme des gens négligents…
Enfin, le projet de loi issu de la commission des affaires culturelles a accouché d’une perle dont se délecteront les juristes amateurs de casse-tête, mais qui devrait faire bondir les magistrats. Elle a ajouté un article 3 ter A qui dispose que « la durée de la peine (de suspension de l’accès à Internet) prononcée doit concilier la protection des droits de propriété intellectuelle et le respect du droit de s’exprimer et de communiquer librement, notamment depuis son domicile« . Splendide. Le gouvernement ayant été incapable de trouver l’équilibre (sans doute impossible à trouver) entre la suspension de l’accès à Internet et le respect de la liberté d’expression et de communication, c’est le juge qui devra s’efforcer de le trouver. Une manière lâche de botter en touche en faisant semblant de respecter la décision du Conseil constitutionnel.
Dans sa décision de censure de la loi Hadopi, le Conseil constitutionnel avait en effet estimé qu’il était « loisible au législateur d’édicter des règles de nature à concilier la poursuite de l’objectif de lutte contre les pratiques de contrefaçon sur internet avec l’exercice du droit de libre communication et de la liberté de parler, écrire et imprimer« . Mais il avait immédiatement ajouté que « toutefois, la liberté d’expression et de communication est d’autant plus précieuse que son exercice est une condition de la démocratie et l’une des garanties du respect des autres droits et libertés« , et que « les atteintes portées à l’exercice de cette liberté doivent être nécessaires, adaptées et proportionnées à l’objectif poursuivi« . Bonne chance au juge qui devra lui-même et au cas par cas placer le curseur entre la durée de suspension nécessaire à la protection des droits d’auteur et la durée qui porte atteinte au bon fonctionnement de la démocratie.
Surtout que selon le même article, « pour prononcer la peine de suspension (de l’accès à Internet) et en déterminer la durée, la juridiction prend en compte les circonstances et la gravité de l’infraction ainsi que la personnalité de son auteur, et notamment l’activité professionnelle et sociale de celui-ci« .
Il faudra un algorithme génial aux tribunaux pour calculer la durée optimale de suspension avec tous ces paramètres.
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