Il n’y a pas de respect de sa vie privée à attendre sur le lieu de travail lorsque l’on utilise à titre privé des moyens de communication prévus pour l’entreprise. La Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) a donné raison mardi à la justice roumaine, en jugeant dans son arrêt Barbulescu qu’un employeur pouvait collecter et produire des conversations privées tenues sur un compte Yahoo Messenger ouvert pour l’entreprise, pour justifier un licenciement.
En l’espèce, une entreprise avait demandé à un technico-commercial d’ouvrir un compte Yahoo Messenger pour répondre aux questions des clients. Mais pendant plus d’une semaine, du 5 au 13 juillet 2007, l’employeur a enregistré l’ensemble des messages échangés depuis ce compte Yahoo Messenger, et décidé de licencier son salarié qui utilisait la messagerie également à des fins personnelles.
Des messages sur la santé sexuelle du couple
Face aux protestations écrites de l’employé qui assurait d’avoir utilisé la messagerie qu’à des fins professionnelles, l’entreprise a présenté au fautif 45 pages de logs qui montraient l’ensemble des conversations tenues avec le compte Yahoo Messenger, dont des discussions qui évoquaient des « problèmes de santé sexuelle entre le requérant et sa fiancée ».
Le plaignant estimait que l’employeur n’avait pas le droit de regarder ainsi le contenu de conversations intimes, et contestait donc la légitimité des preuves produites pour justifier le licenciement pour faute. Mais pour la CEDH, dont l’arrêt est toutefois très spécifique aux faits d’espèce, « il n’est pas déraisonnable pour un employeur de vouloir vérifier que des employés réalisent leurs tâches professionnelles pendant les heures de travail ».
La Cour note que l’employé n’a produit les 45 pages de retranscriptions qu’après que l’employé ait contesté avoir fait une utilisation privée de la messagerie professionnelle, et note que les messages n’ont pas été reproduits dans le jugement roumain, ce qui a satisfait à un équilibre entre les droits et les devoirs de l’employé.
Une opinion dissidente
La décision a été accompagnée d’une opinion dissidente du juge portugais Pinto De Albuquerque, qui critique la légèreté avec laquelle la CEDH a vérifié si l’entreprise avait bien prévenu de l’existence de moyens de surveillance internes sur les réseaux (ce qui est obligatoire, par exemple via la signature d’une charte informatique), ou la non prise en compte du fait que l’employeur avait aussi enregistré quelques messages issus du compte Yahoo Messenger privé du salarié.
« Le sentiment clair donné par le dossier est que les tribunaux locaux ont volontairement approuvé le fait que l’employeur saisisse l’opportunité d’un abus d’Internet comme justification pour la suppression d’un employé non désiré, que l’entreprise avait été incapable de licencier par des moyens légaux », écrit-il.
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