Numerama a publié ce vendredi matin l’intégralité du projet de loi Taubira « renforçant la lutte contre le crime organisé et son financement, l’efficacité et les garanties de la procédure pénale », qui comprend notamment un article 2 sur l’utilisation des IMSI-catchers dans le cadre d’enquêtes judiciaires. Le texte proposé doit modifier le code de procédure pénale pour disposer que :
« Lorsque les nécessités de l’enquête ou de l’information concernant un crime ou un délit entrant dans le champ d’application des articles 706-73 et 706-73-1 [du code de procédure pénale] l’exigent, le juge des libertés ou de la détention, sur requête du procureur de la République, ou le juge d’instruction, après avis du procureur de la République, peut autoriser les officiers de police judiciaire à mettre en place un [IMSI-catcher] afin de recueillir les données techniques de connexion permettant l’identification d’un équipement terminal ou du numéro d’abonnement de son utilisateur, pour une durée maximale d’un mois renouvelable une fois dans les mêmes conditions de forme et de durée. Ces opérations sont faites sous le contrôle du magistrat qui les a autorisées.
En cas d’urgence, l’autorisation peut être donnée par le procureur de la République. Elle doit alors être confirmée par le juge des libertés et de la détention dans le délai de 24 heures, à défaut de quoi il est mis fin à l’opération.
Le procureur de la République, le juge d’instruction ou l’officier de police judiciaire, peut requérir tout agent qualifié d’un service, d’une unité ou d’un organisme placé sous l’autorité du ministre de l’intérieur et dont la liste est fixée par décret, en vue de procéder à l’utilisation du dispositif technique mentionné au premier alinéa. »
En clair, la loi Taubira telle que soumise pour avis au Conseil d’État autorisait les magistrats instructeurs ou le parquet à mettre en place des IMSI-catchers pour collecter l’ensemble des métadonnées des téléphones portables qui se trouvent dans un rayon géographique donné, dont l’importance varie en fonction du dispositif employé (de quelques mètres à quelques centaines de mètres de rayon).
Tout un quartier sur écoute pour un délinquant recherché
Ces outils qui simulent des antennes-relais sont utiles, par exemple, pour repérer les cartes SIM qui apparaissent et disparaissent soudainement, et les croiser avec des données de géolocalisation pour détecter la personne qui change tous les jours ou toutes les semaines de carte SIM.
En guise de sauvegarde des libertés publiques, la loi Taubira met cette utilisation sous le contrôle du juge d’instruction ou du juge des libertés et de la détention (JLD), qui doit arbitrer entre les intérêts de l’enquêtes et les libertés fondamentales à sauvegarder, et il limite leur possible autorisation aux seuls délits et crimes organisés mentionnés aux articles 706-73 et 706-73-1 du code de procédure pénale. Mais leur liste est très longue, et compte notamment les petits trafiquants de drogue ou les personnes qui emploient des travailleurs au noir.
Potentiellement, sauf à ce que les juges d’instruction et JLD soient très vigilants et conservent un caractère très exceptionnel à cette mesure, ce sont donc les métadonnées de tout un quartier qui pourront être analysées et interceptées, pour retrouver par croisements le numéro d’un suspect et de mettre son téléphone sur écoute. Toutes les très bavardes données de connexion (qui appelle qui, combien de temps, qui envoie un SMS à qui, avec quel type de contenu, quelle longueur du message, à quelle heure, qui utilise Internet, etc.) pourront être analysées par les services des police, sous le contrôle du juge.
En l’état actuel du texte soumis au Conseil d’État, rien n’est prévu pour effacer les données ou prévenir les personnes concernées qu’elles ont fait l’objet d’une surveillance. Dans les quartiers très fréquentés, ce sont potentiellement des milliers voire des dizaines de milliers de personnes qui peuvent être visées.
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