Le producteur de films pornographiques Marc Dorcel n’aime pas la loi Hadopi. Grégory Dorcel, directeur général de l’éditeur de films X, l’a confié récemment dans une interview au Monde. Mais alors qu’il a su s’adapter avec succès au piratage pour modifier son offre, et qu’il trouve illogique de s’attaquer aux consommateurs, Marc Dorcel prône un blocage des sites de liens de téléchargement illégaux par les fournisseurs d’accès à Internet.
« En accusant le consommateur, on fait passer les éditeurs de plateformes de téléchargement pour des Robin des bois, alors qu’ils réalisent des profits colossaux sur le dos des producteurs. C’est insupportable !« , s’insurge ainsi Grégory Dorcel. « Pourtant, la réponse est d’une simplicité enfantine. Les gros sites pirates sont clairement identifiés. Il faut se mettre d’accord avec les fournisseurs d’accès à Internet pour couper les accès à ces sites« .
Une réponse d’une simplicité tellement enfantine qu’elle a montré sa parfaite inutilité partout où elle a été appliquée. Encore dernièrement, lorsque le FAI irlandais Eircom a dû bloquer l’accès à The Pirate Bay, le site Eircom Bay est venu proposer un miroir fonctionnel aux utilisateurs. Avant cela, au Danemark, le même blocage avait eu pour effet paradoxal d’augmenter la fréquentation de The Pirate Bay. Comme l’avait expliqué Free, le filtrage incite surtout à développer des solutions de communication alternatives plus difficiles encore à réguler. Si les internautes veulent avoir accès à des contenus piratés, ils trouveront toujours les moyens d’y avoir accès quelles que soient les barrières artificielles placées par les opérateurs.
De plus, le filtrage pose des problèmes juridiques et éthiques. Qui décide des sites à filtrer ? Faut-il bloquer en France des sites comme Sharemula ou Todotorrents qui ont été jugés légaux en Espagne ?
Le réflexe « enfantin » de Marc Dorcel est d’autant plus regrettable qu’il a par ailleurs de bonnes réponses au « problème » du piratage. « Marc Dorcel réalise 18,7 millions d’euros de chiffre d’affaires annuel avec un taux de croissance à deux chiffres. On représente 30 % du marché total de la VOD française et notre courbe de croissance suit scrupuleusement celle de l’accès au haut débit« , indique l’éditeur. « Nous avons mis en place une offre de VOD dès 2001, alors qu’on n’était qu’une petite PME. Aujourd’hui, toutes nos nouvelles productions sortent simultanément en DVD, en téléchargement et en streaming [diffusion en direct sans téléchargement] sur notre site et sur les plateformes VOD de nos partenaires (Free, Orange, SFR…). A l’époque, on a pris exemple sur le marché de la musique pour comprendre ce qu’il ne fallait pas faire et comment réagir. A la vue du succès de nos offres, il semble que notre recette soit la bonne !« .
Effectivement. Car plutôt que de chercher à lutter frontalement contre le piratage, Marc Dorcel a adapté son offre à la demande. « Les contenus gratuits et illégaux sont, dans leur très grande majorité, des contenus bas de gamme« , a constaté le producteur, qui propose donc des contenus haut de gamme recherchés par des consommateurs prêts à payer pour voir quelque chose de différent. « Il y a un rejet du public pour cette masse de vidéos, toutes identiques. Le peu de contenus haut de gamme qui reste sort fortement du lot« .
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