Insultes envers les personnes LGBTQI+, incitations à suivre une thérapie de conversion, menaces… Sur Facebook, les contenus ouvertement homophobes sont toujours là, un an après notre enquête sur le sujet. La plateforme n’a pas supprimé tous les groupes qui posent problème, tandis que d’autres se sont créés depuis.

Il y a un an, Numerama révélait qu’il existait des groupes et des pages ouvertement homophobes sur Facebook — des contenus allant à l’encontre de son règlement interne, qui interdit explicitement les propos homophobes. En juin 2023, nous avons à nouveau tenté l’expérience, et le résultat est inquiétant : nous avons, à nouveau, trouvé des groupes homophobes. Numerama est tombé sur une trentaine de pages en français et en anglais publiant des posts méprisants, ou qui appellent à la haine envers les personnes LGBTQI+.

Cette année, les contenus que nous avons trouvés sont toujours aussi nombreux — et ils sont même, par certains aspects, plus violents. Pendant des mois, ils ont pu être publiés librement, sans être modérés. À cause du manque criant de modération, notre enquête montre que la sécurité des personnes LGBTQI+ n’est toujours pas assurée, et que Facebook permet toujours de propager des discours haineux.

Les groupes et pages Facebook ayant des propos homophobes // Source : Capture d'écran Numerama
Les groupes et pages Facebook ayant des propos homophobes // Source : Capture d’écran Numerama

Des dizaines de groupes et de pages homophobes sur Facebook

Pour réaliser cet article, nous avons réitéré notre première expérience de l’année dernière : nous avons effectué de simples recherches sur Facebook. Les résultats pour « homosexualité » montrent que les contenus problématiques sont toujours très nombreux. En tout, nous avons trouvé 32 groupes et pages homophobes, certains en anglais, et d’autres en français — dont une partie provenant de pays africains. Certains apparaissent dans les premiers résultats, sans que l’on ait « besoin » de chercher des contenus spécifiquement homophobes.

Ce point, qui nous inquiétait déjà particulièrement l’année dernière, est encore valide cette année. Et dès que l’on va plus loin, en sélectionnant l’option « voir plus », encore plus de contenus homophobes apparaissent. Les recherches pour le terme « homosexualité » ou « homosexuality » sont celles pour lesquelles ce constat est le plus impressionnant. À l’inverse, en tapant « gay », « lesbienne » ou « trans », il n’y a pas de contenus ouvertement LGBTQI-phobes.

De nouveaux groupes ont été créés depuis l’année dernière, et ils n’ont pas été repérés par les outils de modération de Facebook. C’est notamment le cas de « lutte contre l’homosexualité et les transsexuels », créé en novembre 2022, et de « association de lutte contre l’homosexualité », créé le 17 mai 2022 (le jour même de notre premier signalement à Facebook).

Le groupe a été créé le jour même de notre premier signalement à Facebook // Source : Capture d'écran Numerama
Le groupe a été créé le jour même de notre premier signalement à Facebook // Source : Capture d’écran Numerama

Des groupes existent toujours

Pire encore : certains groupes que nous avions déjà repérés l’année dernière n’ont pas été supprimés, alors que nous avions fait part de nos découvertes à Meta. Le groupe « Intercession contre l’homosexualité et autres problèmes de la vie » figure ainsi toujours parmi les premiers résultats de recherche. L’homosexualité est qualifiée « d’abomination aux yeux de Dieu » dans une de ses publications.

Le groupe « Intercession contre l'homosexualité » apparait parmi les premiers résultats sur Facebook pour la recherche « homosexualité » // Source : Capture d'écran Numerama
Le groupe « Intercession contre l’homosexualité » apparait parmi les premiers résultats sur Facebook pour la recherche « homosexualité » // Source : Capture d’écran Numerama

Depuis notre article, le groupe est même passé de 454 membres en 2022 à 1 400 cette année. Cette augmentation est la preuve que l’inaction de Facebook est néfaste, et participe à colporter des idées dangereuses pour une partie de la population.

Le groupe « Intercession » n’est pas le seul. La page « Homosexuality is a sin against God » (« l’homosexualité est un péché contre Dieu »), qui apparait également dès les premiers résultats, existait déjà l’année dernière lors de notre premier signalement. Elle comptait à l’époque 4 100 fans — elle en a aujourd’hui plus de 4 800. Très active, la page publie toujours des contenus assimilant la communauté LGBTQI+ à des personnes diaboliques, ou des passages de la bible incitant à se « repentir ».

La page, ouvertement homophobe, arrive en 2e position lorsqu'on effectue une recherche sur Facebook // Source : Capture d'écran Numerama
La page, ouvertement homophobe, arrive en 2e position lorsqu’on effectue une recherche sur Facebook // Source : Capture d’écran Numerama

Facebook ne protège pas assez les personnes LGBTQI+

Même si certains groupes que nous avions repérés l’année dernière n’existent plus, un constat s’impose : Facebook n’est toujours pas un réseau social sûr pour les personnes LGBTQI+. Outre ces pages d’insultes, il en existe d’autres, encore plus dangereuses, qui pousse à suivre des thérapies de conversion — des « traitements » extrêmement nocifs qui n’ont aucune valeur scientifique.

Ces pages sont très actives, et sont suivies par plusieurs milliers de personnes. « Overcoming Homosexuality » (« surmonter l’homosexualité »), la plus populaire d’entre elles, compte 20 000 followers, fait de la pub pour des t-shirt célébrant les thérapies, et vend des guides pour « se libérer du style de vie LGBT ».

Avant la publication de cet article, nous avons contacté les équipes Facebook et leur avons envoyé une liste de questions. Au moment de la publication de cet article, nous n’avions pas reçu de réponse de leur part. Les groupes, que nous avons signalés au réseau social, sont toujours en ligne.

Ce n’est pas la seule fois où Numerama a été confronté au manque de réactivité de Facebook. Au mois d’avril 2023, nous publiions une longue enquête sur le cyberharcèlement subi par la chanteuse Mathilde. Les insultes et mèmes dégradants venaient d’un groupe Facebook de 3 600 personnes, que nous avions signalé au réseau social. À ce jour, il est toujours actif, malgré nos demandes répétées. 

L’existence de ces pages souligne le manque de modération de Facebook. Il est surtout inquiétant de voir que peu de choses ont changé en un an, et que des propos abjects peuvent encore exister sur une plateforme comme Facebook. Alors que le nombre d’agressions homophobes a augmenté de 28% en 2022, il est plus que jamais important que les réseaux sociaux prennent de vraies mesures pour protéger leurs utilisateurs — sans attendre de signalement de la part de médias pour agir.

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