Dans un arrêt du 16 septembre 2009, la cour d’appel de Paris a reconnu coupable la société Edu4 de ne pas avoir fourni à son client, l’AFPA, les codes source d’une version modifiée du logiciel libre VNC utilisé par le prestataire. Elle a reconnu à l’utilisateur du logiciel le droit de faire respecter les termes de la licence GNU GPL, sans que l’intervention de l’auteur au procès ne soit nécessaire.

C’est une première pour le logiciel libre en France. Le 16 septembre 2009, la cour d’appel de Paris a reconnu que l’utilisateur d’un logiciel libre était en droit d’exiger de son redistributeur le respect des obligations posées par la licence GNU GPL, en particulier la communication du code source modifié du logiciel. C’est une victoire importante pour la FSF France (Free Software Foundation), puisqu’elle démontre que l’auteur du logiciel libre n’est pas le seul à pouvoir faire respecter les termes de la licence devant un tribunal.

En l’espèce, les faits remontent aux débuts des années 2000. L’Association nationale pour la formation professionnelle des adultes (AFPA) décide de lancer un appel d’offres de plusieurs millions d’euros pour moderniser l’équipement de ses salles de formation. La société Edu4 remporte le marché mais lors de sa première phase de mise en œuvre, l’AFPA découvre que le prestataire utilise une version modifiée du logiciel libre VNC. Il doit permettre aux formateurs de prendre à distance le contrôle du poste des élèves.

Le logiciel VNC étant distribué sous licence libres GNU GPL, l’AFPA – sous les conseils avisés de la FSF – exige la communication des codes sources du logiciel, comme le prévoit la licence. Refus de la société Edu4, qui veut sans doute protéger son savoir-faire de la concurrence, et empêcher son client d’apporter lui-même des améliorations qu’il aurait pu vendre par la suite. L’AFPA décide alors de poursuivre Edu4 devant les tribunaux. La société fournit en 2002 des codes source, mais qui ne correspondent pas à la version compilée du logiciel fourni en 2001. De plus, Edu4 a pris soin de modifier les notices de droit d’auteur du logiciel pour prétendre, selon la FSF, être l’auteur de VNC et supprimer le texte de la licence GPL.

Dans son arrêt du 16 septembre 2009 (.pdf), la cour d’appel de Paris juge que « la société Edu4 a manqué à ses obligations contractuelles en livrant en décembre 2001, date à laquelle devait s’apprécier sa conformité, un produit (…) qui ne satisfaisait pas aux termes de la licence GNU GPL puisque la société Edu4 avait fait disparaître les copyrights d’origine de VNC sur les propriétés des deux fichiers en les remplaçant par les siens et avait supprimé le texte de la licence« .

La cour d’appel renverse ainsi le jugement du tribunal de grande instance de Bobigny qui, le 21 septembre 2004, avait débouté l’AFPA et condamné l’association à payer près d’un million d’euros à Edu4 pour l’exécution du marché. Pour sa défense, Edu4 avait notamment estimé que le logiciel fournit en décembre 2001 n’était qu’une version préparatoire, et que ses obligations vis à vis de la licence GPL n’étaient exécutifs qu’à la livraison du logiciel définitif, c’est-à-dire au moment du transfert de propriété des droits sur le logiciel.

La reconnaissance des droits des utilisateurs vis à vis de la licence GPL pourrait avoir des conséquences importantes en d’autres domaines. La FSF France est en particulier en guerre contre Free, à qui elle reproche de ne pas publier intégralement le code source du logiciel Iptables embarqué sur la Freebox. « Lorsqu’un produit qui utilise un soft sous GPL est vendu, le vendeur doit fournir les sources du soft GPL. Free ne vend pas la Freebox, elle est la propriété de Free, c’est un élément de terminaison de son réseau, les sources n’ont pas à être fournies« , avait tranché Xavier Niel, le président de l’opérateur.

« On peut maintenant espérer que cette décision de justice provoque une réelle prise de conscience« , s’est donc félicité mardi la FSF France. « D’abord auprès des personnes qui ne remplissent pas leurs obligations de partage et qui y travailleront sans plus attendre ; auprès des utilisateurs, ensuite, qui demanderont, par une mise en demeure si nécessaire, le respect de leurs droits ; et, enfin, auprès des employés qui réclameront à leurs décisionnaires que priorité soit donnée à la mise en conformité. »

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