JoliShopping, LesBonsPlansOff, Bravolerat, Plansennord…. les noms sont pour le moins évocateurs. Derrière ces comptes sur les réseaux sociaux, des passionnés qui traquent pour nous les promotions, les adresses pas chères ou encore les meilleures applications de cashback. Alimentaire, loisirs, voyage, restauration… tous les domaines y passent. Et, chacun sa spécialité. Certains cumulent des centaines de milliers d’abonnés grâce à des vidéos aux titres accrocheurs tels que « aujourd’hui, je n’avais que 2€ pour déjeuner », « Restaurants à moins de 5€ à Paris » ou encore « bon plan pour les fauchés qui veulent voyager ».
Un contexte économique propice à ces influenceurs
Avec la crise économique et l’inflation, à un taux de 5,2 % en 2022, les influenceuses et les influenceurs bons plans sont en plein boom. « Ça parle aux gens, ils se disent : oh mince, je ne vais pas partir en vacances cette année parce que les prix augmentent. Alors, il faut qu’ils trouvent des nouvelles alternatives », explique le créateur du compte PèreRicheFilsPauvre auprès de Numerama.
« Ils sont obligés d’être proactifs de leur côté pour pouvoir au moins maintenir leur niveau de vie actuel », détaille celui qui compte plus de 60 000 abonnés sur TikTok et Instagram. Après avoir partagé des bons plans à son entourage durant plusieurs années, il s’adresse désormais au plus grand nombre depuis septembre 2022. « C’est des choses qui ne coûtent rien et qui ne peuvent qu’apporter une plus-value dans la vie des gens, surtout aujourd’hui au vu du contexte économique qui est compliqué », insiste le trentenaire.
Les moins de 25 ans, notamment les étudiants, consomment particulièrement ce type de contenus. Alors que plus de 50 % d’entre eux ne mangeraient pas à leur faim, pas étonnant qu’ils essayent de trouver des moyens de limiter leurs dépenses. Cibler les étudiants, c’est la stratégie qu’a adoptée Brian, 22 ans, du compte SalutBrian, interrogé par Numerama. « J’hésitais entre rester dans la vie étudiante et aller dans du divertissement. Je me suis dit que dans la thématique étudiante, il y avait tellement de choses à faire, et peu de gens ont développé le truc », commente ce détenteur d’une licence en gestion. Au début, il poste une vidéo par jour à propos d’une app pratique pour les étudiants. Mais, c’est lorsqu’il commence à évoquer les lieux où manger sur Paris pour moins de 10 euros que son compte explose. « En 2 mois, je suis passé de 1 000 abonnés à 100 000 abonnés », précise le jeune homme.
Et, les statistiques ne mentent pas : 40 à 60 % de celles et ceux qui le suivent ont entre 18 et 24 ans, que ce soit sur Instagram ou sur TikTok. Surprise : de plus en plus de 13-17 ans consomment régulièrement ses contenus. « Je pense que c’est parce que ce sont les terminales qui se posent des questions » — par exemple, comment se passe la vie à Paris durant les études supérieures. Le phénomène touche aussi des comptes qui ne ciblent pas directement cette tranche d’âge. Sabine, 27 ans, a lancé sa page Instagram de bonnes adresses en Île-de-France, il y a près de 10 ans. Si son audience sur Instagram est majoritairement composée de trentenaires qui viennent d’entrer dans la vie active, elle a remarqué avoir un public beaucoup plus jeune sur TikTok.
Proposer de nouveaux contenus sur les réseaux sociaux
Plus que de simplement partager leurs moyens de faire des économies, une partie de ces créatrices et créateurs ont ouvert leurs comptes sur les réseaux sociaux pour montrer un quotidien qui n’y était guère représenté. Brian a débuté sur YouTube en 2020, avec des vidéos sur Parcours Sup, alors qu’il existait peu de ressources disponibles pour expliquer le fonctionnement de la plateforme. « J’ai proposé sur Internet ce que je ne trouvais pas moi en tant qu’étudiant à l’époque. Dans un 1er temps sur YouTube, puis sur Instagram, où là c’était plus le lifestyle d’un étudiant : les lieux où manger, les sorties, les aides, les endroits où s’habiller pas cher », résume l’influenceur.
Quant à Sabine, il y a quelques années, elle ne voyait aucune influenceuse qui lui correspondait sur les réseaux sociaux : « Dans [le secteur de] la culture, je cherchais des personnes qui me ressemblaient, soit des femmes noires, et je n’ai pas trouvé. Du coup, je me suis dit que j’allais faire moi aussi mon propre média, avec mes propres choix artistiques. » Ayant grandi dans le quartier de Barbès à Paris, elle se désole que les balades culturelles soient considérées comme inaccessibles pour les jeunes du quartier. « À chaque fois, on nous disait que pour voyager, pour découvrir des choses, il fallait de l’argent, que ce n’était pas pour nous », se souvient Sabine. Elle se rend compte qu’avec le pass Navigo et des réductions étudiantes, il est possible de faire des visites culturelles et historiques tout en ayant un budget serré. Et, en fait sa thématique principale.
Repérer les meilleures astuces pour ses abonnés
Et, chacun sa méthode pour dénicher les bons plans qui plairont le plus à sa communauté. L’influenceuse loisirs s’abonne régulièrement aux newsletters des offices du tourisme et s’aide des publicités du métro. « Je m’arrête devant et je fais des photos. Souvent à partir du mois de mars, il y a toutes les régions qui commencent à afficher les idées de sorties et de destinations à découvrir. Une fois que j’ai fait ça, je suis sur Instagram les villes qui m’ont intéressée », détaille la créatrice aux 22 000 abonnés sur Instagram. Si Brian privilégiait plutôt les recherches Internet au départ, il peut désormais compter sur ses abonnés : « Au fur et à mesure des vidéos, il y avait de plus en plus de gens qui me disaient ‘vas-y, va tester ça’. Du coup, j’y allais. »
Le plus simple pour trouver les astuces qui fonctionnent reste pour un influenceur de les appliquer soi-même au quotidien, selon le créateur de PèreRicheFilsPauvre. « On connait tous les avantages et les inconvénients, ce n’est pas uniquement du copié-collé de choses que l’on trouve sur Internet. À force, on devient un expert bon plan », affirme celui qui dit tester tout ce qu’il propose, y compris lorsqu’il s’agit d’un partenariat rémunéré. « Je suis hyper sélectif et je joue ma réputation sur chaque bon plan que je présente », se justifie l’entrepreneur. Idem du côté de Brian qui accepte 1 à 4 partenariats par mois : « Il faut que ça rentre dans ma ligne édito, que montrer ça à mon audience, leur offre un bénéfice ». La question de la pertinence des partenariats se pose, puisque l‘activité d’influenceur est de plus en plus régulée, notamment à cause de nombreuses pratiques commerciales troubles.
L’important, c’est aussi de recueillir les avis des internautes et de connaitre leurs besoins. « Ils m’ont fait confiance en s’abonnant », insiste Brian. Alors, le jeune homme leur parle régulièrement sur les réseaux sociaux, un atout sur lequel ceux qui le suivent ne manquent pas de mettre l’accent. « J’aime bien le fait que Brian échange avec sa communauté. Sur Instagram, il pose pas mal de questions et il crée son contenu AVEC et POUR sa communauté », dévoile Caroline. Elle suit activement le contenu du créateur depuis novembre 2022, séduite par son énergie : « Il n’est pas fade, il met de la personnalité dans ses vidéos et c’est rafraîchissant. »
De la passion des bons plans au métier de créateur de contenus
Mais, avec la professionnalisation de cette activité, le risque de surconsommer n’est jamais loin. « J’ai l’impression que je suis obligée de faire une surconsommation du territoire, je dois faire pleins de trucs pour pouvoir créer du contenu et rester active sur les réseaux. Ce n’était pas dans mes valeurs au début de faire tout rapidement », déplore Sabine, qui a démissionné de son emploi il y a un an et demi pour se consacrer à son compte à temps plein. Désormais, elle reçoit parfois jusqu’à quinze invitations pour un évènement ayant lieu le même week-end.
Un métier pas si accessible, donc, et qui nécessite de parfaitement s’organiser. « Ça demande de la discipline au quotidien et il faut savoir se renouveler, s’adapter aux nouvelles tendances, ce n’est pas quelque chose que l’on fait le dimanche », souligne PèreRicheFilsPauvre.
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