« J’adore partir en vacances à Dubaï. À vous de jouer. Commentez et identifiez 4 membres de votre famille ou amis que vous aimeriez emmener en vacances à Dubaï cet été et vous pourrez gagner un voyage. Deuxième prix : sacs à surprises de Dubaï. En participant, vous acceptez les conditions générales (lien dans la bio). »
Voilà le message qu’a laissé Karim Benzema sur son compte Twitter, le 14 juin 2023. Un message qu’il a épinglé sur son profil, en l’accompagnant de quelques mots-clés (#Dubai, #holiday, #competition), ainsi que d’une mention au compte @visitdubai, qui est le compte officiel de l’émirat pour faire la promotion du tourisme sur place.
Le joueur de football a également dupliqué ce message sur son compte Instagram, suivi par 71 millions de personnes, et sur sa page Facebook, qui compte 44 millions d’abonnés (sur Twitter, il a 20 millions de followers). À chaque fois, les trois mêmes photos du sportif mis en scène dans des environnements émiratis — et qui relèvent de toute évidence d’un photomontage avec un faux fond.
Cette publication est en apparence anodine. Elle n’est pas la première à mettre en scène une célébrité dans un contexte publicitaire. De nombreuses personnalités publiques avant lui ont participé à des opérations marketing, à la télévision, dans la presse ou sur Internet. Cependant, cette publication soulève une question juridique, qui illustre peut-être les limites de la loi sur l’influence.
Cette problématique a été soulevée ce 15 juin par le député Stéphane Vojetta, qui est justement le coauteur d’une proposition de loi visant à lutter contre les arnaques et les dérives des influenceurs sur les réseaux sociaux. Celle-ci a été publiée au Journal officiel le 10 juin, cinq jours avant l’opération promotion de l’ex-joueur du Real Madrid.
Le message Karim Benzema tombe-t-il sous le coup de la loi sur les influenceurs ?
La publication de Karim Benzema pourrait-elle tomber sous le coup de cette loi ? La question est débattue. Pour l’élu à l’origine du texte, s’il ne fait aucun doute qu’il s’agit d’une publicité, le fait qu’elle soit rédigée en anglais suggère que le joueur « ne s’adresse pas à une audience française ». Dès lors, « la loi sur les influenceurs ne s’y applique pas. »
Suffit-il donc d’écrire dans une autre langue pour échapper à ce texte ? « Si le fait de parler anglais permet de dire qu’on ne s’adresse pas à un public français, ce n’est pas très compliqué de contourner la loi », observe l’avocat Raphaël Molina, en réponse au député. En outre, l’intéressé relève que les Français sont bien visés dans les conditions générales de vente du jeu concours.
Des conditions générales de vente inaccessibles ce 15 juin. On notera d’ailleurs que le lien vers le règlement n’est disponible que dans la biographie de Karim Benzema sur Instagram : l’URL n’est pas fournie sur Twitter, ce qui peut laisser le public sans l’information requise pour connaître les tenants et les aboutissants du jeu concours. Sur Facebook, le lien, absent au départ, a fini par être ajouté. Celui-ci fonctionne.
La loi sur les influenceurs prévoit certaines règles. Par exemple, dans son article 5, il est demandé de faire figurer une mention claire décrivant la nature promotionnelle du message, par exemple « Publicité » ou « Collaboration commerciale ». Elle doit être claire, lisible et identifiable sur l’image ou sur la vidéo, sous tous les formats, durant l’intégralité de la promotion, dit le texte.
Son article 8 indique également que le contrat entourant le message publicitaire doit être soumis au droit français (et donc à la loi sur les influenceurs). En particulier, « lorsque ledit contrat a pour objet ou pour effet de mettre en œuvre une activité d’influence commerciale par voie électronique visant notamment un public établi sur le territoire français. »
Les mentions demandées à l’article 5 ne figurent pas dans les messages de Karim Benzema sur les réseaux sociaux, même si leur nature sponsorisée transparaît de manière évidente. Et comme le note maître Raphaël Molina, la France fait partie des pays autorisés à participer au concours, avec dix autres pays européens, de l’Union ou non.
Un influenceur français à l’audience mondiale
L’affaire autour de Karim Benzema traduit sans doute un cas de figure qui n’était peut-être pas le cœur de la régulation des influenceurs. Un texte qui vise à mettre de l’ordre chez les personnalités du web, françaises, et qui s’adressent à un public français, avec des messages en français. Cela, quand bien même ces célébrités se trouveraient à l’étranger, à Dubaï ou ailleurs.
Dans le cas de Karim Benzema, on se situe à un niveau quelque peu différent : on parle certes d’un joueur français, mais dont l’audience n’est plus circonscrite depuis longtemps aux frontières hexagonales. On parle d’une superstar de football, à la visibilité planétaire et dont les partenariats commerciaux peuvent cibler pour ainsi dire le monde entier, ou presque.
Sur ce dossier, c’est la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) qui a la main. Si elle s’emparait du dossier, elle pourrait déterminer si le message de Karim Benzema, rédigé en anglais, et s’adressant à plusieurs pays européens, est susceptible de rentrer dans le champ de la loi ou s’il n’y a aucune prise légale évidente.
Cette problématique pourrait toutefois ne pas avoir de réponse, dans l’immédiat ou dans ce dossier. En effet, le message de Karim Benzema sur Twitter a été supprimé dans la matinée du 15 juin, sans explication. Il est en revanche toujours visible sur les comptes Instagram et Facebook de la star. Vont-ils être également retirés, pour ne pas attirer l’attention de la DGCCRF ?
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