Mise à jour : Une réunion informelle de la délégation du comité de conciliation du Parlement Européen doit se réunir ce mardi 13 octobre à 11 heures. Les parlementaires seront invités à accepter une nouvelle proposition de compromis jugée « extrêmement dangereuse » par la Quadrature du Net, qui estime qu’elle serait même pire que le retrait total de l’amendement 138. Cette version de l’amendement Bono réduit à peau de chagrin propose de donner à chaque Etat membre la compétence de « déterminer les garanties procédurales appropriées permettant d’assurer le droit à un procès équitable dans le respect de son propre ordre constitutionnel et des droits fondamentaux« .
Elle ajoute la possibilité de « prendre en compte la nécessité d’adopter des mesures urgentes de manière à assurer la sécurité nationale, la défense, la sécurité publique, et la prévention, l’investigation, la détection et la poursuite de délits de nature pénale« . Les Etats membres qui ne bénéficient pas d’un avis tranché comme celui de la cour constitutionnelle en France pourraient donc librement décider, dans le but de poursuivre les actes de piratage qui constituent des « délits de nature pénale », de se passer de l’intervention préalable du juge avant de couper l’accès à Internet. Ce qui va totalement contre l’esprit de l’amendement Bono, déjà voté deux fois à une très large majorité par le Parlement Européen, contre l’avis du Conseil.
Article du 6 octobre 2009 – La décision du Conseil constitutionnel français d’imposer que seul un juge puisse décider de la suspension d’un accès à Internet, au nom de la protection de la liberté de communication, n’a pas modifié d’un iota la volonté des Etats membres de supprimer le célèbre amendement 138 du Paquet Télécom. Sa réintroduction au forceps par le Parlement Européen, avant l’été, a obligé Bruxelles à rouvrir le dossier en cette rentrée. Et le Conseil de l’Union Européenne continue de s’opposer avec vigueur au maintien de l’amendement qu’avait défendu l’eurodéputé socialiste Guy Bono, avec l’écologiste Daniel Cohn-Bendit.
L’amendement dit que « aucune restriction aux droits et libertés fondamentales des utilisateurs finaux (d’internet) ne doit être prise sans décision préalable de l’autorité judiciaire en application notamment de l’article 11 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union Européenne, sauf en cas de menace à la sécurité publique où la décision judiciaire peut intervenir postérieurement« . Nicolas Sarkozy a tout tenté pour supprimer cet amendement qui donne à la seule autorité judiciaire le pouvoir de prendre des mesures qui restreignent l’accès à Internet des citoyens eurodéputés, et donc qui fragilisait notamment le dispositif de la riposte graduée.
Le 28 septembre, lors d’une réunion de conciliation préparatoire, des membres du Conseil (qui représentent les Etats membres) ont fait connaître leur opposition continue à l’amendement 138, même si le Conseil constitutionnel a été exactement dans le même sens que le texte européen.
Ils ont émis principalement, selon la Quadrature du Net, quatre critiques à l’égard de la disposition parlementaire :
- « L’amendement 138 est trop directif en ce qui concerne les procédures judiciaires que les États membres devraient suivre. Le Parlement n’a pas compétence pour adopter cette disposition » ;
- « L’amendement 138 n’est pas clairement limité au domaine des communications électroniques, et semble proclamer un principe général qui aurait sa place non pas dans une directive, mais dans un traité » ;
- « L’amendement 138 pourrait être (abusivement) utilisé par des personnes qui ne paient pas leurs factures » ;
- « L’amendement 138 pourrait entraver les efforts contre la pédopornographie sur Internet ».
En réponse, la Quadrature du Net a envoyé mardi à tous les parlementaires européens un courrier et un mémo expliquant en quoi ces critiques sont selon elle infondées.
Tout d’abord, ils estiment qu’il n’est pas crédible de reprocher à l’amendement d’imposer aux Etats membres la compétence exclusive du juge judiciaire alors même que la directive sur le droit d’auteur leur impose de permettre la saisie du juge judiciaire pour défendre leurs droits. Puis d’un point de vue plus politique, ils rappellent que le traité de Lisbonne qui doit entrer en vigueur l’an prochain prévoit de donner au Parlement des pouvoirs similaires à ceux du Conseil en matière d’affaires judiciaire, et qu’il semble donc particulièrement mauvaise langue de retarder l’amendement sur un prétexte de compétence bientôt résolue.
Ensuite, ils ne sont pas d’accord sur le fait que l’amendement 138 se contenterait d’énoncer un principe général qui ne serait pas limité aux télécommunications. « Etant donné l’article où il est situé et la portée générale du texte législatif à laquel il appartient, cet amendement se réfère de manière évidente à l’accès à Internet », écrit la Quadrature du Net. « L’amendement 138 fait référence aux « utilisateurs finaux » des communications électroniques, et est donc suffisamment contextualisé« , ajoutent-ils. Plus radicalement, ils estiment qu’il s’agit au pire d’une redite spécifique du principe général porté par la Convention Européenne des Droits de l’Homme, qui attribue au juge le pouvoir exclusif de brider les libertés fondamentales.
Sur la question des factures que les abonnés pourraient ne plus payer aux FAI, parce que ces derniers devraient nécessairement avoir recours au juge pour couper l’accès, la Quadrature est en total désaccord d’interprétation. Selon elle, l’amendement 138 respecte parfaitement le droit contractuel, et un utilisateur qui n’aurait pas payé son accès à Internet a approuvé préalablement, par contrat, que son accès sera coupé s’il ne paye pas sa facture. « De telles déconnexions devraient être interprétées comme l’expression de la liberté des utilisateurs – la liberté contractuelle -, mais en aucune manière comme une restriction imposée à leurs droits et libertés fondamentales« , écrit la Quadrature.
Enfin, le collectif réfute catégoriquement l’idée selon laquelle l’amendement 138 ferait obstacle à la lutte contre la pédopornographie : « Les droits et libertés sont toujours contrebalancés par le besoin de respecter d’autres droits et libertés avec lequels ils pourraient entrer en conflit (…) en bout de course, ce sera la responsabilité des tribunaux – et pas du législateur – de déterminer la juste balance entre les différents droits et libertés en jeu dans les cas particuliers« .
Le collectif demande une nouvelle fois aux députés de maintenir solidement l’amendement 138 au sein du Paquet Télécom, et se dit « convaincu » qu’il est possible de modifier éventuellement certaines formulations pour faire face à certaines inquiétudes, sans toucher à l’esprit du texte.
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