Mise à jour : le fil #pdlsa (pas de lien sans autorisation) de Identi.ca (un concurrent libre de Twitter) permet de suivre en temps réel les découvertes de sites Internet exploitant ce type de clauses. Comme nous le fait remarquer Thierry Stoehr, fondateur du site Formats-Ouverts.org, on trouve en toute logique beaucoup moins de clauses de ce type sur les sites d’entreprises et organisations spécialisées dans les technologies de l’information. Mais on en trouve tout de même, notamment sur ceux de Sony, du syndicat SYNTEC, de Rue-Montgallet… ou de l’AFNIC.
Il est particulièrement risible que l’Association Française pour le Nommage Internet en Coopération (AFNIC), gestionnaire de la base de données des noms de domaine géographiques .fr (France) et .re (Île de la Réunion), parfaitement consciente de l’importance des hyperliens, impose que les utilisateurs « ne peuvent mettre en place un hyperlien en direction de ce site sans l’autorisation expresse et préalable de l’AFNIC« .
Article du 15 octobre 2009 – Les entreprises ne devraient jamais écouter aveuglément leurs juristes (nous le disons d’autant plus aisément que l’auteur de ces lignes est titulaire d’une maîtrise de droit privé). Un juriste est formé pour limiter les risques, pas pour effectuer des calculs d’opportunité commerciale pour l’entreprise. Son rôle est non seulement de couvrir l’entreprise, mais aussi de se couvrir lui-même. Pas question de laisser ouverte la moindre faille qui pourrait lui être reprochée. C’est d’autant plus vrai lorsque l’on fait appel à de grands cabinets d’avocats, qui jouent leur réputation sur chaque contrat, et qui se font payer au kilomètre de clauses rédigées. Ce qui aboutit, souvent, à un juridisme étouffant qui n’est pas toujours dans l’intérêt commercial du client.
Preuve en est avec cette incroyable liste de sites de très grosses entreprises et organisations françaises ou étrangères qui, ayant certainement fait appel à des cabinets d’avocats réputés pour rédiger les conditions d’utilisation de leur site internet, interdisent les liens hypertextes vers leur site français. En vrac : La Société Générale, BNP Paribas, Renault, Volkswagen, La Croix Rouge, M6, Handicap International, La Française des Jeux, EDF, SNCF, RATP, Peugeot, TF1, Total, Bouygues, Citroën, la CGT, Coca-Cola France, Albin Miche, l’INA… La liste est loin d’être exhaustive.
On trouve ainsi dans leurs conditions d’utilisation des mentions du type : « Toute création de lien(s) hypertexte(s) sur le site de La Française des Jeux doit faire l’objet d’une autorisation préalable et écrite de La Française des Jeux, qui se matérialisera par la signature d’un contrat entre La Française des Jeux et l’éditeur d’un site Internet qui souhaite créer un ou plusieurs lien(s) hypertexte(s) depuis son site vers le site Internet de La Française des Jeux.«
Très pertinent, lorsqu’il faut soigner son référencement au moment de l’ouverture au marché des jeux en ligne. N’importe quel webmaster sans expérience sait que l’on est d’autant mieux référencé que l’on a un nombre important de liens hypertextes qui pointent vers soi.
Un avocat conseillerait-il à Renault d’interdire aux Pages Jaunes de référencer leurs concessions ? Et si c’était le cas, Renault l’écouterait-il ?
C’est aussi idiot d’un point de vue purement juridique. Comment une entreprise quelle qu’elle soit pourrait être tenue responsable de liens créés par d’autres ? Depuis au moins la fin de la préhistoire d’Internet la jurisprudence a clairement indiqué que seul celui qui crée un lien vers l’extérieur pouvait être tenu responsable, et encore. Mais en aucun cas l’entreprise ne peut avoir le moindre risque juridique parce qu’un lien pointe de l’extérieur vers son site. Soit le site respecte la loi et il n’y a pas de risque, soit le site viole la loi et c’est son contenu qui posera problème, pas le lien.
Plus que la gestion du risque, ces clauses sont révélatrices d’une culture juridique qui consiste à vouloir maîtriser tout ce qui touche aux marques et à la propriété intellectuelle dans les grandes entreprises, sans penser une seule minute que l’absence de contrôle peut être davantage bénéfique.
Mais le plus révélateur, c’est la raison pour laquelle ces clauses préhistoriques existent encore : tout le monde s’en fiche. Personne ne lit les conditions d’utilisation des sites, et personne ne les respecte. Les entreprises elles-mêmes ne les font pas respecter parce qu’elles les savent absurdes. Jusqu’au jour où pour une raison quelconque, par exemple pour museler un bloggeur qui aura dit du mal d’une entreprise et pointé vers son site, une de ces entreprises décide soudainement d’attaquer sur la base d’une violation contractuelle, à défaut de pouvoir prouver une diffamation.
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