La commissaire en charge de la société de l’information Viviane Reding et son collègue chargé du marché intérieur Charles McCreevy ont communiqué lundi la feuille de route de la Commission pour l’adaptation du droit d’auteur au numérique. Une feuille de route qui passe à côté des questions fondamentales.

La Commission Européenne a adopté lundi une communication « sur le droit d’auteur dans l’économie de la connaissance« , qui dresse la feuille de route de l’Union Européenne pour la réforme du droit d’auteur à l’ère du numérique. Sans grande ambition, elle se concentre essentiellement sur les moyens de concurrencer Google dans la course à la numérisation des livres. « L’Europe doit saisir cette occasion pour prendre un rôle de premier plan et faire en sorte que la numérisation des livres se fasse en se fondant sur la législation européenne en matière de droits d’auteur et dans le plus grand respect de la diversité culturelle de l’Europe« , prévient Viviane Reding, commissaire en charge de la société de l’information.

La communication porte sur trois chantiers que compte ouvrir la Commission : la conservation numérique et la diffusion de matériel universitaire et culturel, la question des œuvres orphelines (qui sont toujours protégées par le droit d’auteur mais au bénéfice d’ayants droits introuvables ou inconnus), et l’accès aux connaissances pour les personnes souffrant d’un handicap (en particulier les malvoyants).

Aucun de ces chantiers ne peut être critiqué. Mais l’Europe, à l’ère du numérique, ne peut pas se contenter d’une réforme au rabais du droit d’auteur, en feignant de ne pas voir l’immense défi que pose l’adaptation du droit aux pratiques nouvelles.

Nous avions, en 2006, émis 12 propositions de réforme du droit d’auteur. Tout n’est pas à prendre, mais il y a sans doute des pistes qu’il faut étudier sérieusement : la question du raccourcissement de la durée de protection des droits (l’Europe fait l’inverse), l’obligation pour les sociétés de gestion d’accepter que des œuvres de leurs sociétaires puissent être diffusées sous licence libre, l’encarement plus strict des contrats entre auteurs et éditeurs, la licence obligatoire au bénéfice des plateformes qui souhaitent accéder aux catalogues de musique, le dépôt des œuvres à protéger qui renverserait le principe de protection automatique des œuvres,…

Plus globalement, il faut poser la question de la place de l’artiste dans la société, et du droit de chacun à accéder librement aux œuvres créées et à les diffuser. Le droit d’auteur, tel qu’il est aujourd’hui conçu, vise-t-il le bien du plus grand nombre ou la protection de quelques uns ?

C’est un chantier beaucoup plus ambitieux dont les états ne pourront pas faire longtemps l’économie, sans faire monter les courants contestataires. Mais au lieu d’ouvrir ce débat, ils continuent de soumettre le droit d’auteur à des traités internationaux qui sont aujourd’hui négociés comme des traités de guerre.

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