C’est une décision très avare d’explications qu’a livré le Conseil constitutionnel, pour valider l’ensemble du projet de loi Hadopi 2 à l’exception d’une seule disposition accessoire, qui demandera une légère réécriture. La décision confie au juge de lourdes responsabilités, et laisse au Conseil d’Etat le soin de se prononcer sur la définition qui sera donnée par décret de la « néglicence caractérisée » de l’abonné.

Etait-ce l’absence de Jacques Chirac à la réunion de délibéré, qui alimente déjà les plus folles rumeurs ? Toujours est-il que la décision du Conseil constitutionnel relative à la loi Hadopi 2, mise à côté de la décision relative à la loi Hadopi 1, donne l’impression de ne pas avoir été écrite de la même main et dans la même veine. Alors que la décision sur le premier texte de Christine Albanel était très argumentée, avec de grands principes portés en nouvelle jurisprudence constitutionnelle, la décision sur Hadopi 2 laisse songeur. L’absence presque totale d’argumentation interdit toute contestation… mais surtout toute compréhension.

Bonne chance aux constitutionnalistes qui devront interpréter la décision et en dégager la doctrine des sages.

Ainsi, pour le Conseil constitutionnel, les dispositions de l’article 1er qui donne aux agents de l’Hadopi le pouvoir de dresser des procès verbaux ne sont « ni obscures ni ambigües » comme le soutenaient les requérants, ce qui donc ne méconnaît pas « l’objectif constitutionnel d’intelligibilité et d’accessibilité de la loi« .

Sur le recours à l’ordonnance pénale, le juge constitutionnel dit que « l’extension du champ d’application de cette procédure aux délits de contrefaçon commis au moyen d’un service de communication au public en ligne et la possibilité qu’une peine de suspension de l’accès à un tel service soit prononcée par ordonnance pénale ne méconnaissent pas (le) principe » d’égalité devant la justice.

« En prévoyant que ces délits seraient jugés par le tribunal correctionnel composé d’un seul magistrat du siège ou pourraient être poursuivis selon la procédure simplifiée, le législateur a entendu prendre en compte l’ampleur des contrefaçons commises au moyen de ces services de communication« , indique le Conseil constitutionnel. Quid des arguments selon lesquels l’ordonnance pénale n’avait été acceptée par le Conseil constitutionnel que pour les infractions dont la démonstation ne fait presque aucun doute, comme les excès de vitesse ? Les sages ne répondent pas.

De même, sur la question du délit de « négligence caractérisée » créé par la loi Hadopi 2, que les députés de l’opposition jugeaient trop flou pour être conforme au principe de légalité des délits et des peines (il faut que la loi soit suffisamment précise pour que le citoyen puisse savoir s’il est en infraction), le Conseil est brut. Cette notion de «  » négligence caractérisée  » mentionnée à l’article L. 335-7-1 du code de la propriété intellectuelle ne revêt pas un caractère équivoque« , et « est suffisamment précise pour garantir contre le risque d’arbitraire« .

Car en réalité, dans une décision qui se contente du service minimum, les sages bottent en touche. Par deux fois. Tout d’abord, sur la question de la présomption d’innocence et de la difficulté d’utiliser les relevés d’adresses IP comme seules preuves, « les autorités judiciaires compétentes apprécieront au cas par cas, comme il leur appartient de le faire, si un supplément d’enquête ou d’instruction est nécessaire ou si les éléments de preuve rassemblés par les fonctionnaires et agents chargés de fonctions de police judiciaire suffisent à établir la culpabilité de la personne mise en cause et permettent, le cas échéant, la détermination de la peine ». Le Conseil constitutionnel valide ainsi le lourd fardeau mis sur les épaules des juges.

Par ailleurs, sur la définition de la « négligence caractérisée » constitutive d’un délit, le Conseil constitutionnel renvoie la patate chaude au Conseil d’Etat. En effet, « il appartient au pouvoir réglementaire, dans l’exercice de la compétence qu’il tient de l’article 37 de la Constitution, et sous le contrôle des juridictions compétentes, d’en définir les éléments constitutifs« . C’est donc un décret, comme l’a prévu le gouvernement, qui devra définir l’infraction avec précision. A charge pour les députés de l’opposition, comme ils l’ont aussi prévu, de saisir le Conseil d’Etat.

La seule disposition censurée par le Conseil constitutionnel concerne l’octroi de dommages et intérêts par le juge dans le cadre d’une ordonnance pénale. Et encore, il le condamne pas le principe sur le fond, mais demande un meilleur encadrement par la loi. « Cette disposition ne fixe pas les formes selon lesquelles cette demande peut être présentée« , regrette ainsi le Conseil. « Elle ne précise pas les effets de l’éventuelle opposition de la victime », et « ne garantit pas le droit du prévenu de limiter son opposition aux seules dispositions civiles de l’ordonnance pénale ou à ses seules dispositions pénales« . Quelques broutilles qui seront rapidement corrigées par le législateur.

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