C’est désormais voté. La proposition de loi visant à instaurer une majorité numérique et à lutter contre la haine en ligne a été approuvée au Parlement. Il lui faut encore être promulguée et publiée au Journal officiel pour devenir effective. Son objet central est de réguler l’inscription des mineurs sur les réseaux sociaux accessibles en France.
Quel est le but de la loi ?
L’objectif est de juguler l’inscription des mineurs sur les sites communautaires, en imposant en amont une vérification de leur âge. Le texte, déposé par le député du centre Laurent Marcangeli, argue que l’irruption des réseaux sociaux dans la vie quotidienne des enfants et des adolescents soulève des problèmes de santé publique et de protection des mineurs.
Évoquant des études scientifiques pointant du doigt les troubles que les réseaux sociaux entraînent chez les enfants, lorsqu’ils y accèdent à un trop jeune âge, l’élu pointe également des dérives désormais régulièrement évoquées dans l’actualité : cyberharcèlement, dépression, problèmes du sommeil, rejet de son corps, temps passé devant les écrans, etc.
La précocité parfois extrême des jeunes vis-à-vis du numérique est d’autant plus une source de préoccupation que cela se fait bien souvent au nez à la barbe des parents. Ainsi, les adultes ignorent généralement ce que font leur progéniture en ligne, où elle s’inscrit et à qui elle parle. Ce texte entend donc remettre les parents au centre.
Est-ce que cette loi vous concerne ?
Tout dépend de votre âge. Les personnes concernées par cette loi sont les mineurs de moins de quinze ans, garçons ou filles. Sous ce seuil, ils ne pourront pas s’inscrire librement sur le réseau social de leur choix : ils devront obtenir d’abord l’autorisation de leurs parents (ou, le cas échéant, de la personne disposent de l’autorité parentale).
Par ricochet, les parents sont aussi concernés par ce texte — ils le seront dès l’instant où leurs enfants viendront les voir pour leur demander de s’inscrire à tel ou tel site communautaire. Les mineurs ayant de quinze à dix-sept ans ne sont pas concernés — sans doute aurait-il été difficile de rendre effectif un texte sur des ados déjà grands. Idem pour les adultes.
Quelles plateformes sont concernées ?
Le texte évoque les fournisseurs de services de réseaux sociaux en ligne exerçant leur activité en France. Dans cette catégorie, on peut mentionner des services tels Facebook, Twitter, Instagram, Snapchat, TikTok ou encore BeReal, pour ne citer que les plateformes les plus connues. On peut aussi inclure Reddit et YouTube, Tumblr ou encore Mastodon.
Certaines plateformes ont un statut plus flou. Discord est un logiciel de messagerie instantanée et visiophonie qui a des fonctionnalités sociales avancées. De prime abord, le programme pourrait tomber sous le coup de la loi. Dans le cas de Roblox, même question : on parle d’un jeu vidéo qui a été justement conçu à destination des enfants et des adolescents.
Pourquoi l’âge de 15 ans a-t-il été retenu ?
L’exposé des motifs indique que l’âge de 15 ans a été choisi en tenant compte du fait que les textes de loi en Europe fixent aussi à 15 ans l’âge pour donner son libre consentement aux traitements de données à caractère personnel. Le Règlement général sur la protection des données (RGPD), qui s’applique pleinement depuis 2018, laissait les pays choisir un seuil de 13 à 16 ans.
Qu’est-ce que la majorité numérique ?
La majorité numérique est une formule qui désigne le moment à partir duquel un mineur n’a plus besoin de ses parents (ou de la personne exerçant l’autorité parentale) pour s’inscrire sur des réseaux sociaux. C’est aussi une expression que l’on retrouve pour décrire l’âge à partir duquel on peut donner son consentement aux traitements de ses données personnelles.
Quelles sont les règles d’inscription des réseaux sociaux ?
Aujourd’hui, les réseaux sociaux autorisent l’inscription des adultes, mais aussi des mineurs jusqu’à un certain âge. Le seuil que l’on croise communément est 13 ans. En dessous, un enfant n’a pas le droit (théoriquement) de s’inscrire, mais il peut mentir sur son âge. Cette règle existe notamment sur Facebook, Twitter, Snapchat, TikTok, Instagram ou encore BeReal.
Cette barrière des 13 ans ne vient pas tout à fait de nulle part. Elle est l’écho d’une loi américaine, la COPPA — Children’s Online Privacy Protection Act (en français : loi sur la protection de la vie privée des enfants en ligne). Sous l’âge de 13 ans, il y a des exigences particulières qui s’imposent aux sites web. Dès lors, certains d’entre eux préfèrent directement exclure ce public.
La loi entre-t-elle en vigueur tout de suite ?
Non. La loi, de base, n’est pas suffisante pour être opérationnelle. Ainsi, le texte renvoie au Conseil d’État la prise d’un décret pour fixer les modalités d’application de cette majorité numérique, après avis de la Cnil — la Commission nationale de l’informatique et libertés. Le ministre en charge du numérique, Jean-Noël Barrot, a toutefois assuré que ce dossier ira vite.
Ce n’est pas tout. Les réseaux sociaux vont devoir mettre en place des « solutions techniques » pour vérifier l’âge des utilisateurs finaux et l’autorisation de l’un des titulaires de l’autorité parentale. Or, là encore le flou demeure aujourd’hui : il est attendu du régulateur de l’Arcom qu’il fixe un référentiel à partir duquel il sera possible de construire lesdites solutions techniques.
Y a-t-il des exceptions ?
Il n’existe pas d’exceptions pour les mineurs. Par contre, le texte précise que dessites sont exclus du champ d’application : c’est le cas des encyclopédies en ligne à but non lucratif, comme Wikipédia, et des répertoires éducatifs ou scientifiques à but non lucratif. Dans les faits, tout ce qui n’est pas un fournisseur de service de réseau social en ligne est tranquille.
Que se passe-t-il si un enfant ment sur son âge ?
En principe, l’inscription sous l’âge de 13 ans est interdite et l’inscription sous l’âge de 15 ans est conditionnée à l’autorisation parentale. Le texte de loi a un volet qui prévoit une rétroactivité : les mineurs entre 13 et 15 ans et déjà inscrits vont devoir recueillir, « dans les mêmes conditions et dans les meilleurs délais » l’autorisation des parents, et le transmettre aux sites.
Dans l’intervalle, on peut supposer que le compte du mineur sera gelé, restreint ou suspendu. Cela suppose également que les réseaux sociaux déploient des outils pour repérer les comptes de mineurs, notamment ceux qui tentent de gruger — on sait que des mineurs mentent sur leur âge. En la matière, certains réseaux sociaux se servent de l’IA pour identifier les resquilleurs.
Quelles sanctions sont prévues ?
Pour le mineur de moins de 15 ans, la sanction pourra prendre la forme soit d’une suspension du compte s’il est repéré et s’il n’a pas d’autorisation parentale. Pour les sites qui, en revanche, ne se conforment pas à la nouvelle législation, on parle d’une sanction pouvant atteindre 1 % du chiffre d’affaires mondial de l’entreprise, une fois au bout de la procédure.
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