Le compte à rebours est désormais enclenché. D’ici à six mois, selon CBC, Google supprimera tous les liens vers les actualités de la presse canadienne, dans ses produits Search, News et Discover. C’est ce qu’a annoncé l’entreprise américaine le 29 juin, à la suite de l’adoption au Canada, le 22 juin dernier, d’une loi (« C-18 ») qui cherche à obliger les géants de la tech à rémunérer les médias en raison de leur utilisation de leurs contenus.
« Malheureusement, nous avons pris la décision difficile de retirer les liens vers les actualités canadiennes […] quand la loi entrera en vigueur », écrit Google sur Twitter. « Nous ne prenons pas cette décision ou ses conséquences à la légère et nous avons fait tout ce qui était en notre pouvoir pour trouver un compromis afin d’éviter cette situation », ajoute le géant de la recherche. Le Canada sera par ailleurs privé de Google Showcase, auquel la France a droit depuis 2022.
Une loi inapplicable et insoutenable, aux yeux de Google
Google, qui communique beaucoup à ce sujet (outre des tweets une annonce, une foire aux questions a été mise en ligne, en français et en anglais), renvoie l’entière responsabilité de cette rupture au gouvernement canadien. En filigrane, celui-ci est accusé de ne pas avoir mis en place les conditions adéquates pour une loi juste et fonctionnelle. En particulier, Google s’alarme d’être beaucoup trop exposé sur un plan financier.
La loi C-18 « nous expose à une responsabilité financière non plafonnée », soulève Kent Walker, le président des affaires mondiales pour Google et Alphabet, sa maison mère. Cela fait plus d’un an que l’entreprise alerte qu’il s’agit « d’une mauvaise approche pour soutenir le journalisme au Canada » et que cela « pourrait entraîner des modifications importantes de [ses] produits ». Des changements désormais confirmés.
Comme d’autres pays, le journalisme au Canada est traversé par une crise de son modèle économique. Selon Le Monde, reprenant les statistiques du ministère canadien en charge du secteur, plus de 20 000 journalistes ont perdu leur emploi depuis 2008 et 450 médias (radios, TV, journaux) ont fermé. Le rôle du numérique, et à travers lui des géants de la tech, est depuis mis en cause. Google et consorts sont en particulier accusés de capter toute la valeur.
La loi C-18 vise, de facto, à soutenir le secteur de la presse canadienne en fléchant un financement des géants de la tech vers les médias. Pour cela, il s’agit de créer une « taxe sur les liens », en leur donnant un certain prix. Mais aux yeux de Google, le mécanisme imaginé est « inapplicable ». En tout cas, ni raisonnable ni équilibré, contrairement aux autres pistes que le moteur de recherche dit avoir avancées pour sortir de l’impasse.
Selon l’AFP, le texte contraint les géants du numérique (cela concerne donc aussi Meta, la maison mère de Facebook) à passer des accords commerciaux avec les médias canadiens. Des contrats annoncés comme « équitables » pour que les géants de la tech puissent toujours récupérer les liens et les extraits des articles sur leurs plateformes. Si aucun deal n’est conclu de bonne volonté, il est question de passer par un arbitrage contraignant.
Des actualités plus difficiles à atteindre ?
À moins d’un coup de théâtre, les Canadiens et les Canadiennes ne pourront plus voir de l’actualité à travers Google. Il leur faudra opter pour un autre moteur de recherche, taper l’adresse du média directement dans la barre d’adresse de leur navigateur web ou bien utiliser l’application maison du média. Ils pourront aussi toujours cliquer sur les liens des médias qui apparaissent sur les sites web ou dans les applications.
Malgré la possibilité de retrouver les médias canadiens par d’autres canaux que les outils de Google, la firme de Mountain View estime que la loi C-18 « rendra plus difficile la recherche d’informations en ligne pour les Canadiens » Les médias aussi aurront également plus de mal à atteindre leur public. Cela « réduira le précieux trafic gratuit sur le web pour les éditeurs canadiens ». En clair, si la situation n’est pas fameuse aujourd’hui, elle sera pire demain.
Quelle sera la suite des évènements ? Dans son communiqué, Google déclare qu’il va malgré tout « participer au processus de réglementation », mais sans changer de fusil d’épaule. La société espère que le Canada pourra « tracer une voie viable pour l’avenir ». Cependant, « le gouvernement ne nous a pas donné de raison de croire que le processus réglementaire sera en mesure de résoudre ces problèmes structurels liés à la législation. »
Un rapport d’octobre 2022, rédigé au parlement canadien, estimait le rendement du texte à 330 millions de dollars par an (environ 230 millions d’euros). En théorie, c’est ce que les médias canadiens toucheraient des plateformes numériques avec ce texte. C’était, du moins, à condition que Google et Meta jouent le jeu. Or, Meta aussi a prévenu qu’il y aura aussi un blackout des médias canadiens sur Facebook et sur Instagram. Le fléchage est dans l’impasse.
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