Après une nouvelle nuit d’émeutes en France suite à la mort du jeune Nahel, tué par un policier, Éric Dupond-Moretti a pris la parole sur France Inter. Le Garde des Sceaux était invité le 3 juillet 2023 dans la matinée pour parler des récentes interpellations pendant les émeutes. Après avoir brièvement parlé de la cagnotte organisée en soutien à la famille du policier, il a, à nouveau, insisté sur la responsabilité des réseaux sociaux dans les violences.
« Les gamins, ils communiquent par Snapchat, et ils ont la certitude qu’ils ne se font jamais prendre », a-t-il déclaré au micro de la radio. « Depuis 2021 il est possible d’aller chercher les adresses IP et donc les titulaires, et on peut naturellement les poursuivre. Je veux le redire ici parce que je veux que l’on entende que l’utilisation du téléphone portable, ça n’est pas l’impunité et ça ne permet pas de tout cacher ».
Il n’y a pas d’anonymat sur les réseaux sociaux
Ce n’est pas la première fois que les réseaux sociaux sont pointés du doigt. Le 30 juin, après une réunion de la cellule de crise interministérielle, Emmanuel Macron expliquait que les plateformes telles de Snapchat et Instagram jouaient « un rôle considérable dans les mouvements des derniers jours ». Le président avait également demandé à « organiser le retrait des contenus les plus sensibles ».
Le 1er juillet, c’était au tour d’Éric Dupond-Moretti de faire une première déclaration sur le sujet des réseaux sociaux. « Qu’ils ne pensent pas que l’on peut se servir de Snapchat en se planquant et qu’ils sont comme ça en toute liberté dans la possibilité d’écrire ce qu’ils veulent. Ça n’est pas vrai […] Et si vous balancez des trucs sur Snapchat, le compte, on va le péter et vous serez retrouvés et vous serez sanctionnés », avait-il déclaré, en visant particulièrement « ceux qui s’en servent pour dire, quand, où et comment on va aller casser ».
Le ministre de la Justice a raison : l’anonymat en ligne n’existe pas. C’est un sujet qui revient régulièrement sur la table, lors de chaque nouvelle affaire de cyberharcèlement ou de menace de mort. Même si un utilisateur affiche un pseudo plutôt que sa véritable identité sur les réseaux sociaux, les apps ont tout de même accès à une donnée essentielle : son adresse IP. Une adresse IP est numéro d’identification unique attribué à n’importe quel périphérique utilisant Internet. Ce numéro est ce qui permet d’avoir accès à Internet, et d’acheminer les données nécessaires à la connexion en ligne.
Les apps et les sites ont donc accès aux adresses IP de leurs clients, car ils en ont besoin afin de leur assurer une connexion. Mais ils ne sont pas les seuls : les fournisseurs d’accès à Internet sont également au courant, et contrairement aux réseaux sociaux, ils ont les vrais noms et prénoms de leur client.
Une fois qu’on a une adresse IP, il est donc plus aisé de remonter la « piste » jusqu’à un utilisateur en particulier. Il est de plus très facile pour la justice ou les forces de l’ordre d’avoir accès à cette information : les fournisseurs d’accès à Internet et les réseaux sociaux, tels qu’Instagram ou Snapchat, ont l’obligation légale de conserver ces informations et de les transmettre aux autorités si elles en font la demande.
Il n’a d’ailleurs pas fallu attendre 2021 pour que les forces de l’ordre et la justice aient accès à ces informations. Depuis 2004 et l’article 6 de la loi pour la confiance dans l’économie numérique, « l’autorité judiciaire peut requérir communication auprès des prestataires […] des données ».
Cependant, l’article L34-1 du code des postes et des communications électroniques, modifié le 31 juillet 2021, a élargi encore plus les compétences des forces de l’ordre en termes de récupération de données. L’article impose désormais aux opérateurs de communications électroniques de conserver, dans certains cas, les données d’utilisateurs pendant plusieurs années.
Ainsi, les opérateurs doivent sauvegarder « les informations relatives à l’identité civile de l’utilisateur, jusqu’à l’expiration d’un délai de cinq ans à compter de la fin de validité de son contrat », pour « les besoins des procédures pénales, de la prévention des menaces contre la sécurité publique et de la sauvegarde de la sécurité nationale ».
Pour les affaires de « lutte contre la criminalité et la délinquance grave, de la prévention des menaces graves contre la sécurité publique et de la sauvegarde de la sécurité nationale », ils doivent également conserver « les données techniques permettant d’identifier la source de la connexion ou celles relatives aux équipements terminaux utilisés » pendant un délai d’un an à compter de l’utilisation des équipements.
Enfin, « pour des motifs tenant à la sauvegarde de la sécurité nationale », en cas de « menace grave », le Premier ministre peut même imposer par décret les opérateurs à converser pendant un an d’autres données de trafic, notamment les « données de localisation ».
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