« Non, les installations ont l’air bien, pas du tout mises en scène, elles ont l’air super authentiques, vous avez fini de les construire le mois dernier ? » Dans cette vidéo parodique, une utilisatrice du réseau social TikTok joue le rôle de la responsable communication de Shein, qui débriefe la visite des influenceuses dans les locaux de la marque de vêtements. Et, dévoile l’envers du décor.
L’objectif de la vidéo TikTok : dénoncer une propagande pro « fast-fashion » menée par les équipes de Shein et les influenceuses qui ont accepté un voyage de presse, documenté et posté sur les réseaux sociaux : les leurs et ceux de Shein USA. Créee en 2008 par Chris Xu, la marque Shein est devenue la plus populaire au monde en proposant des prix imbattables et en s’appuyant sur les influenceurs pour inonder la toile de « haul vidéos » (des déballages d’achats) avec ses produits.
Un voyage d’influenceuses qui dérange
Ce voyage tout frais payé organisé pour les influenceuses bien-être et confiance en soi Dani DMC, Destene Sudduth, Aujené, Fernanda Stephany Campuzano, Kenya Freeman et Marina Saavedra, a rendu furieux les internautes. Il faut dire que la plus suivie d’entre elles compte pas moins d’un million de followers sur Instagram, soit une puissance de frappe immense.
Les six jeunes femmes n’ont pas tari d’éloges sur les usines du géant du shopping en ligne, à Guangzhou. La marque a publié tout un vlog de voyage en plusieurs épisodes intitulé « SHEIN 101 On the Road », sur le modèle d’une télé-réalité. On les voit essayer les machines automatiques qui permettent de trier les vêtements, déambuler dans l’entrepôt en filmant ou encore toucher les tissus qui servent à la confection des produits Shein. « Aujourd’hui, je peux rentrer chez moi rassurée, confiante dans mon partenariat avec Shein. Je me sens à l’aise pour transmettre ce message à ma communauté », a déclaré Dani DMC dans un des épisodes.
L’opération commerciale a évidemment pour but de redorer l’image de la marque, alors qu’elle est critiquée pour son impact négatif sur l’environnement et les mauvaises conditions de travail dans ses usines. D’après un rapport de l’association suisse Public Eye, certains employés travailleraient jusqu’à 75 h par semaines pour confectionner les vêtements Shein, ce qui est illégal en Chine.
À l’automne 2022, la chaîne britannique Channel 4 a également dévoilé un documentaire, Inside The Shein Machine, tourné en caméra caché auprès des travailleurs, obligés d’effectuer des journées très longues, pour des salaires minimes. La marque chinoise est aussi soupçonnée par certains législateurs américains de recourir au travail forcé en exploitant les Ouïghours, une minorité turcophone et musulmane dans le pays.
L’écart flagrant entre le décor et la réalité
Alors sur TikTok, les utilisatrices et utilisateurs n’ont pas perdu une opportunité de rappeler tous ces manquements au droit du travail et le désastre écologique auquel participe la fast fashion. « J’ai rencontré des gens qui ressemblaient à de petits enfants, mais ils m’ont dit qu’ils n’étaient que des elfes. Il y a même eu une travailleuse qui était tellement émue par son travail qu’elle en pleurait à chaudes larmes. », se moque une internaute qui parodie une visite à l’usine Shein, évoquant les allégations de travail des enfants et d’abus sur les employés.
Ce qui a choqué, c’est l’écart entre ce qui est dénoncé par les journalistes d’investigation et associations, et les propos tenus par les six influenceuses lors de leur voyage à Guangzhou. Elles sont accusées de feindre la naïveté et de refuser de voir le vrai visage de la marque avec qui elles collaborent. Dans son TikTok, celui qui se présente sous le pseudo « viccle » les imite : « J’ai même discuté avec une ouvrière et je lui ai posé toutes mes questions, auxquelles elle a répondu de manière assez complète, authentique, indépendante et sincère. Elle m’a dit que c’était le travail de ses rêves », ironise le jeune homme.
Shein inquiète même le gouvernement
L’entreprise textile n’est pas uniquement critiquée par les consommatrices et consommateurs. Elle est aussi visée par des femmes et hommes politiques. Alors que plusieurs membres du Congrès américain tentent de faire pression sur Shein concernant les allégations de travail forcé, le ministère de l’Économie français s’y est également intéressé.
Le 29 juin dernier, Bruno Le Maire a publié sur ses réseaux sociaux une vidéo pour dénoncer les dérives de la fast fashion. « Aujourd’hui, la fast fashion émet autant de CO2 que le transport maritime et le transport aéronautique réunis […] et pose aussi des problèmes sociaux, car nous ne savons pas dans quelles conditions sociales ces vêtements sont réalisés. » Le ministre de l’Économie a même nommé directement Shein et révèle avoir lui-même saisi la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes pour que celle-ci mène une enquête. Avec ce message : « Faites attention à vos actes de consommation.»
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