Examiné au Sénat jusqu’au 7 juillet, le projet de loi visant à sécuriser et réguler l’espace numérique a été rattrapé par l’actualité : un amendement a été déposé en réaction aux émeutes ayant suivi la mort de Nahel. Mais le texte est aussi traversé par des serpents de mer. Parmi les sujets ressurgissant ponctuellement : le système d’exploitation français.
Dans un amendement déposé le 3 juillet, les sénateurs Pierre Ouzoulias et Marie-Noëlle Lienemann fixent un calendrier contraignant au gouvernement, avec la présentation, un an après l’entrée en vigueur de la loi, d’une « stratégie de développement et de déploiement d’un système d’exploitation français à l’ensemble du matériel numérique des administrations publiques. »
Cet OS national devrait être généralisé aussi bien sur les ordinateurs que sur les téléphones portables « afin de garantir une meilleure souveraineté et sécurité des données collectées ou produites par ces administrations », lit-on dans l’exposé des motifs. Or, le marché des OS est aujourd’hui très largement dominés par des solutions américaines.
C’est le cas d’Android et d’iOS du côté des smartphones : la part cumulée des OS de Google et d’Apple tourne autour des 99 %. Du côté des ordinateurs, l’addition de Windows, macOS et Chrome OS atteint les 93 % de parts de marché. Là aussi, ces trois systèmes d’exploitation sont d’origine américaine : ils proviennent de Microsoft, Apple et Google.
« L’État français assume aujourd’hui une perte de souveraineté numérique au profit des États-Unis », déplorent les deux élus. « Les alternatives sont aujourd’hui insuffisantes pour permettre l’utilisation généralisée d’un système d’exploitation national ou européen ». Pourtant, « l’État doit garantir » aux agents publics la confidentialité de leur travail, pour des raisons de souveraineté.
Le système d’exploitation constitue la pièce maîtresse d’un ordinateur, puisque c’est ce logiciel qui gérer et coordonner les ressources matérielles (internes et celles des périphériques) et les applications en cours d’exécution. L’OS est, en somme, un chef d’orchestre. En général, il inclut aussi une interface graphique pour faciliter sa prise en main et le « dialogue » entre l’homme et la machine.
La piste CLIP OS
L’idée d’un OS souverain, contestée, revient périodiquement dans l’actualité. En 2010, Orange disait vouloir réfléchir à la création d’un OS européen avec d’autres grands opérateurs. Elle avait été défendue par Arnaud Montebourg, alors ministre du redressement productif, et par des députés qui avaient défendu la création d’un Commissariat à la souveraineté numérique.
En réalité, l’initiative la plus avancée, que l’amendement n’aborde pas, est CLIP OS, un système d’exploitation élaboré depuis le milieu des années 2000 par l’Anssi — l’agence de cyberdéfense de l’État. À l’époque, c’était la Direction centrale de la sécurité des systèmes d’information, l’ancêtre de l’Anssi, qui était sur le coup. Le projet CLIP OS a été repris en 2011 avec la création de l’agence.
CLIP OS a été conçu initialement « pour répondre aux besoins spécifiques de l’administration », lit-on sur sa fiche de présentation. Il est « basé sur un noyau Linux » et est « capable de gérer des informations de plusieurs niveaux de sensibilité ». Si son développement est actif et ouvert à tout le monde, il y a une limite de taille : il n’existe pas, aujourd’hui, de version prête à l’emploi.
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