Hadopi en France, IPRED en Suède, riposte graduée au Royaume-Uni ou encore filtrage en Allemagne ou en Australie… partout dans le monde, les gouvernements veulent répondre fermement au phénomène du piratage, avec le concours des lobbys. Or, malgré de nombreux procès, la tendance est loin de s’inverser.

Depuis un peu plus d’un an, de nombreux gouvernements tout autour du monde se sont mis à rédiger de nouvelles lois pour contrecarrer le phénomène du piratage. Parallèlement à l’action publique, les industries du divertissement ont redoublé d’effort pour mettre au pilori les pirates et les gestionnaires de sites BitTorrent, accusés de plomber leur business en échangeant à tour de bras. Pour quel résultat ?

Le moins que l’on puisse dire, c’est que l’année 2009 aura été un grand cru pour l’ensemble des organismes favorables à un durcissement de la législation. La MPAA, la RIAA et l’IFPI, ainsi que de nombreuses autres sociétés et organisations du même acabit, ont tous remporté d’importantes batailles judiciaires en Europe et en Amérique du Nord. Sauf qu’en fait, toute cette agitation politique et judiciaire ne mène visiblement à rien. Au mieux, la seule chose à mettre au crédit des politiques et des lobbys est d’avoir accéléré la migration des internautes vers des solutions moins risquées, en abandonnant de fait le peer-to-peer classique.

Car le piratage est devenu une norme sociale. On peut le déplorer, on peut le regretter, il n’empêche que cette pratique est désormais profondément ancrée dans les moeurs de nombreux internautes, qu’ils soient adultes ou adolescents. Pour s’en convaincre, il suffit de voir la réaction des digital natives face aux procès qui frappent leurs pairs. Malgré des peines exemplaires – cette année, la RIAA a remporté deux procès contre des internautes accusés de piratage, les faisant condamner à des amendes de plusieurs centaines de milliers de dollars -, la tendance ne s’est jamais inversée.

En avril de la même année, les majors du disque et les studios cinématographiques parvenaient enfin à abattre leur bête noire, The Pirate Bay. Dans un procès très médiatisé, le verdict final dut particulièrement lourd : un a de prison et une grosse amende pour les quatre accusés. Est-ce que cela a sonné la fin du plus gros tracker public ? Certainement pas. Non seulement il est parti en Ukraine pour avoir la paix, mais en plus il a fait des petits… au grand désespoir des lobbys d’Hollywood.

Même la plus draconienne des lois votées en Suède ce printemps, l’IPRED, n’a pas eu l’effet escompté sur la jeunesse du pays. Des chercheurs du projet de recherche sociologique Cuber Standards ont questionné un millier d’individus âgés de 15 à 25 ans pour saisir leur vision du piratage. Les résultats ont montré que l’attitude des jeunes n’a pas changé. « Malgré les efforts intensifs du gouvernement, le piratage atteint des niveaux records de popularité » commente Mà
ns Svensson
.

« Dans les cas où la loi ne prend pas en compte la nouvelle donne sociale (le piratage ndlr), il devient très difficile de la faire respecter. Les êtres humains ont tendance à suivre un comportement social plutôt qu’à la lettre de la loi. En matière de propriété intellectuelle et de dispositions du droit d’auteur, Internet et les nouvelles technologies ont créé de nouvelles conditions. En peu de temps, les normes sociales se sont orientées vers une nouvelle direction qui donne très peu de légitimité à ce type de loi » décrypte Svensson.

L’étude souligne enfin que la la loi ne reflète pas ce que le public considère comme légal, touchant à un usage raisonnable (fair use) ou même moral. La plupart des gens ne pensent pas faire quelque-chose de mal en téléchargeant un fichier MP3 ou en partageant un film, souvent parce que les alternatives légales sont dures à dénicher, bourrées de DRM ou tout simplement hors de prix.

C’est aux industries du divertissement d’évoluer et d’innover en devenant vraiment compétitifs face au piratage. Sinon cette nouvelle norme sociale restera en l’état.

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