Twitter est un endroit privilégié pour partager une information rapidement. Sur le réseau, l’actualité se propage à une vitesse contre laquelle les médias traditionnels ne peuvent rivaliser. Le site a aussi montré, durant les attentats sur Paris le 13 novembre dernier, qu’il pouvait servir de catalyseur à la solidarité. Le hashtag #PorteOuverte permettait par exemple aux personnes bloquées sur Paris de trouver un refuge pour la nuit.
L’humanité sur Twitter se montre toujours dans les moments les plus terribles. Pour l’année 2015, on se souvient par exemple de #BlackLivesMatter, #JeSuisCharlie, #PrayForParis, autant de hashtags de soutien et de paix qui montrent que Twitter peut-être une plateforme citoyenne, engagée et universelle.
Entre abus et dysfonction sociale
Mais le reste du temps, le réseau social fait face à un problème qui lui colle à la peau depuis sa création, ou presque : les abus. La plateforme est devenue un lieu d’expression pour les trolls et un vecteur de partage d’opinions radicales. Sous couvert d’anonymat, le site est envahi quotidiennement de messages haineux. Pour David Auerbach, journaliste chez Slate, cette intolérance est favorisée par la brièveté et l’immédiateté du contenu publié sur le réseau de micro-blogging.
La limite de 140 caractères n’encourage pas non plus au débat, au contraire : elle incite au déchargement compulsif, qui se doit d’être aussi incisif que le message est bref. À la différence de Facebook ou d’autres réseaux sociaux, Twitter repose sur le fait que le contenu est visible publiquement par défaut et doit être facilement trouvable. Le site a donc un problème : il doit museler une minorité bruyante d’utilisateurs qui franchissent les limites, sans nuire à la liberté d’expression, essentielle au service.
Mais comment modérer l’immense espace public qu’est la « twittosphère » ? Cette question, Twitter y travaille « jour et nuit » depuis plusieurs années. Concrètement, à l’heure actuelle, si une personne est victime d’un harcèlement en ligne, elle peut bloquer l’utilisateur, signaler le contenu et remplir un rapport de violence à Twitter.
Bloquer une personne sur Twitter n’offre toutefois qu’un répit de courte durée : si les messages de la personne bloquée sont republiés sur un autre profil que la victime suit, ils continueront de fleurir sur son fil actu. De la même manière, supprimer le compte de l’utilisateur à l’origine des abus est inutile puisqu’il lui suffit de recréer un compte. Un jeu sans fin, qui pourrait être comparé au chasse-taupe : tapez sur une taupe avec votre maillet, une autre ressortira par un autre trou.
D’autant que si la victime doit remplir un rapport pour des dizaines de comptes, elle a de quoi être découragée d’avance. Le bâillon à lui seul ne semble donc pas pouvoir résoudre durablement les problèmes de la plateforme. Ce qui nuit à Twitter affecterait sûrement de manière similaire tout espace public réel : regrouper des personnes que tout sépare dans un seul et même endroit est une bonne recette pour la dysfonction sociale… Et il y aura toujours quelques individus qui ne s’aligneront pas sur le sentiment collectif.
Des efforts de la part de la plateforme
Les responsables de Twitter sont bien conscients que leur plateforme n’est pas un endroit sûr pour certains utilisateurs et la firme est très critiquée pour sa manière de gérer les abus. On se souvient par exemple de la polémique autour du hashtag #UnBonJuif. Il y a un an, en février 2015, Dick Costolo, l’ancien directeur de Twitter, l’avait clairement avoué dans un mémo interne.
On est à la ramasse depuis des années quand il s’agit de s’occuper des trolls et des abus sur la plateforme. Ce n’est pas un secret et le reste du monde en parle tous les jours. On perd nos membres les uns après les autres en laissant le problème de côté.
J’ai franchement honte de la manière avec laquelle on s’est occupé de cette question durant mon mandat de directeur. C’est absurde. Il n’y a aucune excuse pour cela. Je prends l’entière responsabilité de notre manque d’agressivité sur ce sujet.
On va commencer à virer ces personnes et on va s’assurer que lorsqu’elles lancent leurs ridicules attaques, personne ne les entend.
Depuis, nous n’avions pas vraiment vu de réelles avancées sur la question. Mais de nouveaux rapports suggèrent que Twitter compte annoncer de nouvelles fonctionnalités anti-harcèlement tout au long de l’année 2016. Dans un communiqué publié sur Le Monde Économie, Audrey Herblin-Stoop, la directrice des relations institutionnelles et associatives de Twitter en France annonce la création d’un Conseil de la protection des utilisateurs (Twitter Trust & Safety Council) « composé de représentants du monde associatif ».
Twitter fera donc davantage appel aux associations et aux pouvoirs publics pour signaler et supprimer tout contenu qui ne respecterait pas les termes d’utilisation du service. Twitter s’appuiera en France sur l’association française des prestataires de l’Internet et le service de signalement en ligne Point de contact, membre du programme européen Safer Internet.
Nick Pickles, le responsable de la politique publique de la firme au Royaume-Uni dit qu’il n’y aurait pas un projet en particulier, mais « plusieurs actions consistantes et régulières » réparties dans l’année. Il ajoute que « cela vient du sommet de la compagnie — la sécurité n’est jamais terminée ». Pour le responsable, la sécurité et la liberté d’expression sont deux problématiques inexorablement liées. Pickles assure que les usagers pourront continuer à avoir des discussions sur les sujets qui leur tiennent à cœur sans craindre de pouvoir être « réduit au silence par la foule ».
Plusieurs mesures vont être mises en place en 2016.
Ces déclarations suivent de peu les récentes polémiques autour de l’augmentation du nombre de caractères et la modification de l’ordre des messages sur le fil actu.
Elles montrent encore une fois que Twitter est concerné par l’expérience des membres de son réseau. Dans un monde où ce qui ce passe sur Internet résonne de plus en plus dans la vie quotidienne — il suffit de voir les hashtag sur les pancartes des manifestants pour comprendre cela —, « croire qu’il suffit d’un bouton « supprimer » pour effacer à jamais les racines de la défiance, de la peur et de l’intolérance n’est qu’une chimère ».
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