C’est la réponse du berger à la bergère. Alors que les gouvernements, poussés par les lobbies de l’industrie du divertissement, prennent des mesures toujours plus répressives pour abattre une fois pour toute le piratage, de plus en plus d’internautes choisissent de renforcer leur vie privée et leur anonymat en ligne en adoptant de nouveaux comportements et en s’inscrivant à des services bien particuliers.
Selon Mà
ns Svensson, doctorant suédois en sociologie du droit à l’université de Lund, le pourcentage de ses concitoyens internautes qui font le pari de masquer leur identité en ligne est d’environ 6 à 7 %. Or ramené au nombre d’internautes, cela représente près de 500 000 abonnés Internet. Pour le chercheur rattaché au projet sociologique Cyber Norms, ce nombre pourrait fort bien augmenter si les dirigeants s’entêtent dans cette logique négative.
Menée par un groupe de chercheurs, l’étude repose sur un sondage qui a interrogé de nombreux Suédois âgés de 15 à 25 ans. Près de 10 % d’entre eux ont affirmé chercher à améliorer leur anonymat en ligne, notamment contre les projets de surveillance généralisée. Car en réalité, le peer-to-peer n’est pas l’unique raison poussant les internautes à se préserver sur la toile. Beaucoup d’entre eux sont simplement exaspérés par la dérive sécuritaire et orwellienne de certaines dispositions législatives, à l’image de l’IPRED et la FRA.
Actuellement, la méthode la plus communément utilisée et la plus appréciée pour masquer son identité en ligne est l’utilisation des réseaux virtuels privés, les fameux VPN. Ces services autorisent en effet l’internaute à se connecter à Internet tout en cachant sa véritable adresse IP. Si certaines solutions sont particulièrement connues, comme IPREDATOR ou ItsHidden (plus de 100 000 inscrits en quelques mois), en réalité chaque jour de nouveaux services apparaissent pour convaincre l’internaute de l’importance de protéger son identité.
L’industrie du divertissement, qui espérait tant renverser la vapeur avec ces (nombreux) textes législatifs au lieu de faire sa révolution intellectuelle, continue donc de contribuer à une mutation rapide des comportements des internautes. Quand l’industrie culturelle s’attaque aux architectures centralisées du peer-to-peer, les internautes filent sur les solutions décentralisées. Quand elle poursuit les protocoles décentralisés, les internautes font le choix du téléchargement direct. Quand elle veut utiliser l’adresse IP comme preuve, les internautes font le pari des VPN qui masquent leur identité. Et à chaque fois, il est toujours plus difficile d’attraper les internautes.
Pour l’internaute, le calcul est vite fait : pour quelques euros par mois, il peut obtenir une solution technique efficace, chiffrée et anonyme, préservant son adresse IP et ne conservant aucun historique informatique de ses activités en ligne. C’est nettement plus intéressant que les offres légales mises en avant par l’industrie culturelle, bien que celle-ci ait fait des efforts notables, en abandonnant notamment les DRM, du moins en ce qui concerne le secteur musical.
À nouveau, le salut viendra sans aucun doute de l’industrie du divertissement elle-même. C’est elle qui tient les clés de son évolution à l’ère du numérique. Si les internautes sont prêts à débourser une certaine somme mensuelle pour se préserver de la répression organisée par les lobbys et les gouvernements du monde entier, peut-être faut-il alors envisager de s’aligner sur les VPN, en proposant un accès illimité aux contenus culturels contre quelques euros par mois… car une chose est certaine, les adeptes du téléchargement illégal préféreront poursuivre masquer, quitte à payer une somme forfaitaire, que d’arrêter une pratique qui est maintenant largement rentrée dans les moeurs.
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