La presse commence à faire ses chous gras d’une nouvelle affaire de népotisme supposé, cette fois au service de Pierre Sarkozy (ci-dessous avec Timbaland), le fils producteur de musique du Président de la République. C’est d’abord Electron Libre qui a révélé que L’Elysée a demandé à la Société Civile des Producteurs de Phonogrammes (SCPP) des explications sur le refus d’une aide à la création demandée par le fils Sarkozy, pour monter un projet musical de 80.000 euros. Rue89, l’AFP et Le Monde s’en sont mêlés, demandant des précisions à tous les acteurs.
Du côté de l’Elysée, on assure que c’est une procédure classique, totalement déintéressée. « Je suis sollicité en permanence par des producteurs à qui on a refusé une subvention et je demande systématiquement les raisons du refus« , se défend un conseiller de l’Elysée.
Du côté de la SCPP, son directeur général Marc Guez explique en revanche que la SCPP n’a « pas attribué d’aide à la société dont Pierre Sarkozy est actionnaire pour des raisons de manque de budget« .
Mais Electron Libre a une autre explication : « un non membre est systématiquement retoqué, sans même chercher à savoir qu’elle est l’identité du demandeur« . Or Minds Corporation, la société dont Pierre Sarkozy est associé, n’est pas membre de la SCPP, l’une des deux sociétés de gestion collective des producteurs de disques en France. Le problème devrait donc se régler lors de la prochaine réunion de la commission d’aide à la création, programmée le 26 novembre prochain.
En effet selon Le Monde, la SCPP aurait « recommandé » à Minds Corporation d’adhérer, ce qui devrait « vraisemblablement » lui permettre de recevoir une aide. Il faut peser le poids des mots.
Abus de confiance de la part de la SCPP ?
Car si la règle d’adhésion préalable à la SCPP est tacite, c’est qu’elle serait illégale si elle était avérée. Le fonds d’aide à la création administré en partie par la SCPP est en effet alimenté par un quart de la rémunération pour copie privée payée sur les supports vierges, et par les sommes dites « irrépartissables » constituées par les droits qui n’ont pas pu être répartis, le plus souvent parce que leurs bénéficiaires ne sont pas trouvés.
C’est l’article L321-9 du code de la propriété intellectuelle qui le prévoit, et qui impose aux sociétés de gestion d’utiliser les sommes ainsi rassemblées « à des actions d’aide à la création, à la diffusion du spectacle vivant et à des actions de formation des artistes« . Sans discrimination d’adhésion, puisqu’il s’agit d’une sorte de délégation de mission de service public, dont la SCPP et la SPPF partagent le monopole chez les producteurs. Les sociétés de gestion qui octroient les aides à la création au titre de l’article L321-9 n’ont absolument pas le droit d’exiger des bénéficiaires des aides qu’ils soient adhérents à leurs sociétés.
Cette règle tacite et illégale poserait par exemple un problème aux producteurs de musique libre, qui ne pourraient bénéficier des aides issues de la rémunération pour copie privée (environ 20 millions d’euros pour la musique en 2008). Soit ils sont refoulés en raison de la règle tacite, soit leur adhésion à la SCPP emporte la signature d’un mandat statutaire qui semble incompatible avec la philosophie et le droit des licences libres, puisqu’il donne à la SCPP le pouvoir « d’autoriser ou interdire et de percevoir les rémunérations pour les utilisations de phonogrammes du commerce ou de vidéomusiques tirées de phonogrammes du commerce, telles qu’elles auront été déterminées en Assemblée Générale« .
Par ailleurs, l’adhésion à la SCPP doit s’accompagner du versement de 150 euros pour l’acquisition d’une part sociale de la société civile.
On peut donc s’interroger sur la qualification juridique d’une telle contrepartie, si elle existe vraiment. Comment qualifier l’activité de celui à qui l’Etat a confié le soin de gérer des aides à la création, et qui use de cette délégation pour obtenir des adhésions pour ses intérêts personnels ?
L’article 314-1 du code pénal prévoit que l’ « abus de confiance est le fait par une personne de détourner, au préjudice d’autrui, des fonds, des valeurs ou un bien quelconque qui lui ont été remis et qu’elle a acceptés à charge de les rendre, de les représenter ou d’en faire un usage déterminé« .
Espérons donc pour la SCPP que la règle soit non seulement « tacite », mais en plus une fausse rumeur rapportée à tort par Electron Libre et par Le Monde. Car le délit d’abus de confiance est passible de 3 ans de prison et 375.000 euros d’amende. Une peine plus forte que pour la contrefaçon.
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