Le député UMP François Loos a demandé au ministre de la Culture Frédéric Mitterrand de « clarifier au plus vite » la nature exacte des obligations de sécurisation dont devront s’acquitter les abonnés à Internet pour éviter de se trouver en violation du délit de « négligence caractérisée » instauré par la loi Hadopi 2.

Les services de Frédéric Mitterrand vont avoir du travail sur la planche. Après Lionel Tardy qui a interrogé le ministre de la Culture sur le destin funeste de Jaimelesartistes.fr, c’est un autre député UMP qui selon nos informations a posé une question écrite au successeur de Christine Albanel, cette fois sur l’application de la loi Hadopi, et plus spécifiquement du délit de « négligence caractérisée ».

François Loos, député du Bas-Rhin, a ainsi interrogé le ministre de la Culture et de la Communication « sur le contenu précis du nouveau délit de  » négligence caractérisée de sécurisation de l’accès Internet « , instauré par la loi du 28 octobre 2009 relative à la protection pénale de la propriété littéraire et artistique sur Internet« , dite « Hadopi 2 ».

« A ce jour, constate le député, les installateurs de réseaux informatiques sont bien en peine de conseiller leurs clients, ne sachant pas quels sont les éléments constitutifs de cette infraction. Pour l’instant, et tant que les décrets d’application ne seront pas publiés, les pratiques antérieures peuvent encore avoir cours. Mais dès la publication de ces décrets, un certain nombre d’installations ne seront plus conformes à la loi, alors que très récentes. Dans ces conditions, non seulement l’installateur ne peut pas remplir son obligation légale de conseil dans la vente, mais en plus, le client va payer de grosses sommes pour une installation obsolète d’un moment à l’autre« .

« Ne pensez-vous pas qu’il serait souhaitable de clarifier au plus vite cette situation, qui embarrasse tout le monde ?« , demande M. Loos, alerté par un informaticien lecteur de Numerama.

Le ministère de la Culture a fait savoir qu’il entendait publier les décrets d’application de la loi Hadopi 2 d’ici la fin de l’année. Mais dès les débats parlementaires, le groupe socialiste nous avait fait part de son intention de saisir le Conseil d’Etat pour s’opposer aux décrets d’applications et circulaires envoyées au parquet.

D’une rédaction difficile voire impossible, le décret concernant la négligence caractérisée devra dresser la liste des fonctionnalités essentielles dont devront disposer les logiciels de sécurisation labellisés par l’Hadopi. L’installation d’un moyen de sécurisation labellisé suffira, en principe, à exonérer l’internaute de toute responsabilité pénale au regard du délit de négligence caractérisée. Mais la définition des fonctionnalités essentielles sera un véritable casse-tête.

Les logiciels devront-ils, par exemple, bloquer les logiciels d’échange de fichiers en P2P comme BitTorrent, qui servent pourtant aussi à télécharger légalement des fichiers, au risque alors de violer la liberté d’expression et de communication ? Si non, comment un logiciel de sécurisation pourra-t-il reconnaître à la volée la légalité ou non d’un téléchargement pour le bloquer ou le supprimer a posteriori ? Devront-ils bloquer l’accès à certains sites comme The Pirate Bay, Mininova ou Rapidshare, même s’ils n’ont pas fait l’objet d’une condamnation définitive devant les tribunaux, au mépris de la présomption d’innocence ?

Les logiciels pourront-ils être installés sous des systèmes open-source comme Linux ? Comment l’abonné apportera-t-il la preuve que le logiciel de sécurisation était non seulement installé, mais aussi activé au moment du téléchargement illicite constaté ? Faudra-t-il, comme ça avait été envisagé sous le leadership de Christine Albanel, accompagner le logiciel d’un spyware communiquant en permanence avec un serveur extérieur ? Quelles seront les obligations de mise à jour pour l’abonné qui a installé un logiciel labellisé ? Y aura-t-il la garantie qu’au moins un logiciel de sécurisation labellisé sera gratuit ? Etc., etc.

Le Conseil constitutionnel lui-même a fait du pied au Conseil d’Etat pour qu’il soit particulièrement vigilant au moment de la publication des décrets relatifs à la négligence caractérisée, s’ils sont un jour publiés. « Les conditions dans lesquelles seront constatées et jugées ces contraventions soulèvent la question de l’éventuelle inversion de la charge de la preuve à l’encontre du titulaire d’accès à internet lorsque cet accès fait l’objet d’une utilisation portant atteinte aux droits d’auteurs« , a prévenu le Conseil constitutionnel dans le commentaire de sa décision sur Hadopi 2. Il n’avait pas pu censurer la disposition pour atteinte à la présomption d’innocence, « non pour des motifs de fond, mais pour des motifs de compétence« , constatant que c’était le Conseil d’Etat qui devra éventuellement censurer les décrets.

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