Alors que le Forum d’Avignon va fermer ses portes aujourd’hui, le quotidien économique La Tribune a obtenu un entretien avec Lawrence Lessig, célèbre juriste à l’origine des licences Creative Commons et également professeur de droit à l’université d’Harvard. Son passage en France est l’occasion pour ce spécialiste du droit de la propriété intellectuelle et activiste notoire de revenir notamment sur le vote récent de Hadopi.
Rappelant ne pas être « un partisan du piratage« , le célèbre professeur de droit considère que la stratégie française visant à gérer la question du téléchargement illégal est sur la mauvaise voie. Si cela pose un nouveau défi au législateur et aux ayants droits, il considère cependant que « couper l’accès à Internet est une idée terrible« , dans la mesure où c’est devenu « une partie essentielle de la vie des gens« .
Pour Lawrence Lessig, la meilleure solution serait la « perception d’un forfait culturel pour l’accès aux œuvres sur Internet« . Hélas, une redevance fixe à travers une licence globale n’a jamais reçu le moindre écho favorable de la part du gouvernement français. Dès le deuxième jour des discussions sur la loi Hadopi, l’Assemblée nationale rejetait une version moderne de la licence globale. « Ce projet de loi ne vise pas à remettre à plat toutes les répartitions de revenus entre les ayants droits, mais à développer les revenus globaux de l’offre légale » avait alors lancé le rapporteur de la loi, Franck Riester.
Quant à la question de savoir si le détournement ou la transformation de certains contenus sous prétexte de créativité est une violation du travail des artistes, Lawrence Lessig est on ne peut plus clair : il faut cesser de sacraliser à tout prix le travail d’un individu, qu’il soit artiste ou non. « On n’a jamais contrôlé à ce point l’usage de la culture qui nous entoure. C’est une vision extrême du copyright qui conduit nos enfants à braver la prohibition » confie-t-il.
Preuve de cette dérive, la censure d’une vidéo (version sous-titrée en français) retraçant une conférence de Lawrence Lessig, dont le sujet était justement les raisons qui devraient pousser le législateur à modifier les règles du droit d’auteur, pour permettre à la société de sortir de la culture du « lecture seule » imposée par la technologie et les médias du 20e siècle, et entrer à nouveau dans une culture « lecture écriture », adaptée aux technologies d’aujourd’hui.
La culture ne va pas s’effondrer, pas plus que les industries culturelles. En revanche, ces dernières seront tôt ou tard amenées à changer. « Le futur sera hybride, avec une culture amateur et une culture professionnelle qui continuera de générer des revenus » explique Lawrence Lessig. « Le modèle des blockbusters qui font des hits est remplacé par une plus large palette d’artistes pour des goûts différents« . Pour la diversité culturelle, cela ne peut être que souhaitable.
Finalement, l’adoption de cette loi risque de nourrir encore pour un temps « la guerre contre le copyright ». Néanmoins, Lawrence Lessig est plutôt confiant dans l’avenir. Pas moins de 150 millions de contenus culturels sont protégés par des licences souples Creative Commons et les internautes finiront bien par faire infléchir les gouvernements. L’enjeu est de taille, comme l’avait expliqué Benjamin Bayart, le président du FAI FDN : « l’imprimerie a permis au peuple de lire, Internet va lui permettre d’écrire« .
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