C’est la fin d’un feuilleton qui aura tenu en haleine parlementaires et internautes pendant plusieurs années, et qui s’est intensifié ces derniers mois. Le Parlement Européen a adopté formellement aujourd’hui l’ensemble du Paquet Télécom avec 510 voix pour, 40 contre et 24 abstentions.
Parmi les nombreuses dispositions adoptées figure l’amendement 138 remanié après des négociations extrêmement tendues, dans une formule qui n’impose plus de jugement préalable avant toute suspension de l’accès à Internet, mais qui apporte un certain nombre de garanties. En particulier, l’amendement prévoit que « les mesures de nature à restreindre (les) droits ou libertés fondamentaux » ne peuvent être prises qu’à « la suite d’une procédure équitable et impartiale, assurant, notamment, que le principe de la présomption d’innocence et le droit pour la personne d’être entendu soient pleinement respectés« . Le texte fait explicitement référence à la Convention européenne des droits de l’Homme pour encadrer les atteintes aux droits sur Internet.
Les Verts se sont fécilités de cette adoption définitive. « S’il est regrettable que le Conseil ait refusé avec persistance d’intégrer la proposition du Parlement, il est par contre important que la Directive Cadre rappelle fermement que l’accès à internet est un outil essentiel pour l’exercice des droits fondamentaux, et que le respect de la vie privée ainsi que la protection des données personnelles ne peuvent être bafoués« , note Daniel Cohn-Bendit, coprésident du groupe des Verts/ALE au Parlement Européen, et co-auteur avec Guy Bono du premier amendemnet 138.
La Quadrature du Net plus sévère que le Parti Pirate
Le Parti Pirate, qui a rejoint le groupe des Verts au Parlement Européen, est lui aussi satisfait. « Le compromis n’est pas parfait, mais c’est un pas dans la bonne direction« , note ainsi l’eurodéputé suédois Christian Engström. « Il déclare que la loi française Hadopi n’est pas acceptable« , analyse-t-il. Ce qui n’est vrai qu’au regard de la première loi Hadopi, déjà rejetée par le Conseil constitutionnel en juin dernier. Depuis, le gouvernement s’est plié à la lettre au compromis, de sorte que l’Hadopi sera sans doute inapplicable dans son volet répressif.
Réagissant au vote du Parlement Européen, la Quadrature du Net s’est montrée beaucoup plus sévère. Le compromis adopté « ne s’applique qu’aux mesures prises par les États membres« , note le collectif. Et par conséquent, il « n’interdit pas les pratiques dangereuses de gestion de trafic telles que le filtrage ou l’établissement de priorités de contenus, services et applications par les fournisseurs d’accès à Internet (FAI)« .
« Le paquet télécom adopté autorise donc des pratiques discriminantes anti-concurrentielles, préjudiciables à l’innovation et aux libertés, qui pourront être mises en place par les opérateurs des infrastructures. Ces derniers seront ainsi en mesure de façonner les flux d’information au gré de leurs intérêts commerciaux« , analyse la Quadrature du Net qui regrette que l’occasion n’ait pas été saisie d’imposer le respect de la neutralité du net dans le Paquet Télécom.
« Sous la pression des États membres et d’intérêts particuliers, le parlement a franchement reculé par rapport à sa position initiale forte en faveur d’un Internet ouvert, neutre et compétitif. L’Union Européenne vient de rater une occasion historique d’affirmer l’importance cruciale de l’accès libre à Internet pour le futur de nos sociétés et n’a pas su résister à la volonté des gouvernements nationaux et des entreprises d’être en position de prendre le contrôle des infrastructures de communication« , fusille Jérémie Zimmermann, porte-parole de la Quadrature du Net.
Tous sont au moins d’accord sur une chose, c’est que le texte n’est pas suffisamment précis pour éviter toute attaque des droits fondamentaux à l’avenir sur Internet. « Le vote d’aujourd’hui n’est qu’un début. Nous serons, ici même et dans les parlements nationaux, extrêmement vigilants quant à la manière dont le compromis qui sera adopté demain sera transposé dans les droits nationaux, parce que nous savons qu’un certain nombre d’États membres de l’Union européenne ont la main lourde avec les libertés publiques – en particulier sur Internet« , conclut aussi l’eurodéputé Verts Philippe Lamberts.
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