Alors que l’Allemagne a reculé, la France veut s’engouffrer. A l’occasion des questions au gouvernement, le ministre de l’intérieur Brice Hortefeux a annoncé que le projet de loi Loppsi sera discuté à l’Assemblée Nationale fin janvier ou début février 2010, et qu’il contiendra bien des dispositions visant à bloquer les sites internet contenant des images de mineurs à caractère pédophiles. Ou plutôt les sites présumés en contenir, ce qui est très différent. En Allemagne, nous avions calculé que seules 1,37 % des URL présentes dans les listes de sites à bloquer avaient un réel caractère pédophile, et que sur ces 1,37 %, 93 % des contenus délicteux avaient été retirés en moins de deux semaines après contact avec l’hébergeur.
Pourtant, « nous avons l’intention de permettre, et ce sera une première, le blocage des sites proposant des images et des représentations de mineurs à caractère pornographique« , s’est réjoui d’avance le ministre de l’intérieur en réponse au député UMP Jacques Myard, qui s’inquiétait du retard pris par le projet de loi qu’avait porté Michèle Alliot-Marie.
Le texte ne devrait pas se contenter du seul blocage des sites à caractère pédophile. Selon Brice Hortefeux, « internet est aussi devenu un vrai lieu de danger », où se cotoient « escroqueries, faux e-mail, vols de numéros de cartes bancaires, trafics de stupéfiants, apologie du racisme, pédopornographie et, dans un certain nombre de cas, terrorisme« .
Le Parlement a déjà voté récemment le blocage des jeux d’argent en ligne, et une partie de l’UMP souhaiterait débattre de la liberté de l’accès à l’information sur Internet. La pédophile sert uniquement à enfoncer facilement, grâce à l’émotion populaire, une porte difficile à ouvrir : celle de la censure. Dans le cas des jeux d’argent, le gouvernement avait dû reculer sur son idée initiale, en donnant au juge seul le pouvoir de décider du blocage des sites. Mais ça ne devrait pas être le cas de la Loppsi, qui prévoit une communication directe entre les services de police et les FAI, sans d’ailleurs que la liste des sites à bloquer ne puisse être vérifiée et contestée.
Après la trêve estivale, la Fédération Française des Télécoms (qui regroupe Bouygues Telecom, SFR, Orange et Numericable) avait estimé que le coût du filtrage pourrait monter à 140 millions d’euros, pour une efficacité douteuse.
En Australie, où les listes de sites à bloquer sont aussi très contestées, les associations de protection de l’enfance ont-elles mêmes prévenu que ça n’était pas avec le filtrage que l’on pouvait protéger les enfants contre la pédocriminalité, mais en chassant les pédocriminels. Une simple question de bon sens.
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