C’est l’effet secondaire de l’adoption de la loi Hadopi. En 2009, le terme qui a le plus progressé dans les recherches de Google en France est « Allostreaming », du nom d’une plateforme de streaming illégale. Une plateforme dont l’utilisation est à l’abri des yeux indiscrets des chasseurs de pirates.

La loi Hadopi devait servir de mesure éducative pour apprendre aux internautes à se détourner du peer-to-peer au profit de plateformes légales, rémunératrices pour la création. Pour le moment, c’est raté, et en beauté. Google a en effet publié son traditionnel classement Zeitgeist des requêtes les plus populaires pour l’année 2009, et en France c’est le terme « Allostreaming » qui arrive en tête des requêtes qui ont connu la plus forte progression, devant « Facebook » !

Comme son nom l’indique, le site Allostreaming.com est un portail qui dirige ses visiteurs vers différentes plateformes permettant de voir films et séries TV en streaming, en toute illégalité. Ses fondateurs ont créé un véritable réseau avec AlloSeven (Films, Séries TV et Animes), AlloShare (Films), ou AlloSharing (Films), qui référencent des contenus disponibles sur les plateformes d’hébergement tiers comme MegaVideo, MegaUpload, DailyMotion, Wat, Google Video ou encore Veoh. Ils ont aussi un moteur de recherche, AlloMyStreaming, et toute une galaxie de sites périphériques comme LikeStreaming.com, AlloMovies.com ou AlloShowTV.com. Le tout est financé à grand renforts de publicités pour des sites de rencontre, d’argent ou de régimes miracles à l’éthique douteuse.

A chaque fois, la défense à l’égard des ayants droit est la même. L’utilisateur est prévenu que la plateforme « n’héberge aucun fichier vidéo« , car « ce site n’est qu’une centralisation des contenus que l’on peut trouver sur divers hébergeurs vidéo et autre« . « Nous ne sommes donc en aucun cas responsables du contenu qui est diffusé sur ces sites, selon la loi vous devez posséder l’original de la copie de cette video pour pouvoir la visionner, ni nous, ni notre hébergeur ne pourrons être responsables d’une mauvaise utilisation de notre site« , ajoute le disclaimer généralement situé en bas de page.

Une défense juridiquement très contestable, puisque depuis DADVSI la loi punit le fait « d’éditer, de mettre à la disposition du public ou de communiquer au public, sciemment et sous quelque forme que ce soit, un dispositif manifestement destiné à la mise à disposition du public non autorisée d’œuvres ou d’objets protégés« . Quant au fait de posséder l’original, ça n’a jamais été un critère inscrit dans la loi pour justifier le streaming. S’il est inquiété, l’utilisateur pourra simplement se défendre en rappelant que rien dans loi n’interdit le simple visionnage d’une œuvre protégée.

Mais peu importe.

Disclaimer ou non, l’utilisateur se fiche complètement de la légalité. Ce qu’il veut, c’est la sécurité.

Or avec la loi Hadopi, comme nous l’avions dit dès le troisième point de nos 10 bonnes raisons de rejeter la loi Hadopi, l’utilisateur se sait à l’abri des représailles lorsqu’il utilise une plateforme de streaming. « Puisqu’il n’est techniquement possible que de trouver l’adresse IP de ceux qui partagent les œuvres et non de ceux qui les téléchargent depuis des serveurs distants, le projet de loi Hadopi ne vise de fait que le P2P dans son dispositif« , avions-nous prévenu en 2008.

Les ayants droit ne l’ont compris que trop tard, au moment-même où la loi Hadopi était discutée à l’Assemblée. On se souvient du coup de gueule soudain de Luc Besson contre Beemotion, repris par Frédéric Lefebvre qui avait demandé en mars 2009 l’ouverture d’une commission d’enquête devenue lettre morte.

Il y a bien eu ensuite quelques tentatives de faire croire dans les débats que l’Hadopi pourrait un jour s’occuper du streaming. Mais techniquement, c’est impossible. Seuls les plateformes de streaming, leurs hébergeurs et les FAI peuvent savoir qui s’y rend. En dehors des réseaux P2P, l’Hadopi est aveugle, et elle le restera.

Le mot est vite passé chez les internautes. Il est même remarquable que ça soit le nom d’une plateforme qui soit le plus recherché, et non un terme plus générique comme « streaming ». C’est dire si le site s’est très vite installé dans le bouche-à-oreilles, et si la notoriété de la marque Allostreaming auprès du grand public est déjà grande.

Alors qu’elle voulait promouvoir l’offre légale, l’Hadopi a ainsi été la meilleure publicité possible pour Allostreaming, c’est-à-dire pour un piratage où les œuvres sont généralement de très mauvaise qualité, mais avec une rémunération maximale pour les créateurs des plateformes. Avant même d’être appliquée, la loi est déjà un remède pire que le mal pour la culture. Et ça ne fait que commencer.

Jusqu’au jour où plutôt que de sortir le bâton, les ayants droit comprendront enfin que la seule solution pour battre Allostreaming et ses alternatives sera de proposer eux-mêmes une plateforme de streaming attractives, comme Hulu a su le faire aux Etats-Unis.

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