C’est une nouvelle brique dans l’histoire des travailleurs de l’industrie du spectacle aux États-Unis : des artistes VFX, spécialisés dans les effets spéciaux, ont fait une pétition pour rejoindre un syndicat. Cette pétition a lieu chez Marvel, entreprise connue pour la pression qu’elle met sur ces métiers, encore très peu protégés sur le sol américain.

L’industrie hollywoodienne fait décidément face à une opposition unie sans précédent de la part de travailleurs habituellement invisibilisés. En pleine grève des scénaristes et des acteurs, des salariés de Marvel spécialisés dans les VFX — les effets spéciaux — ont voté à majorité pour la création d’un syndicat. C’est ce qu’ont rapporté les médias américains, le 7 août 2023.

Lundi, plus de 50 salariés de l’entreprise — qui travaillent actuellement sur Loki ou la future Daredevil : Born Again — ont voté en faveur d’élections internes visant à être représentés au sein de l’International Alliance of Theatrical Stage Employees (IATSE) — en français, Alliance internationale des employés de scène, de théâtre et de cinéma. C’est l’équivalent d’un syndicat : les salariés d’une entreprise du monde du spectacle élisent des représentations, intégrés à l’alliance. Le tout est supervisé par le National Labor Relations Board (bureau national des relations de travail), agence fédérale qui assure le bon déroulement des élections. Créée à la fin du 19e siècle, cette alliance rassemble pas moins de 170 000 artisans, techniciens et autres métiers cruciaux des films, séries, représentations scéniques et émissions.

Dans chaque série Marvel, les effets spéciaux jouent un rôle prépondérant. Ici, sur le plateau de Moon Knight (Oscar Isaac dans le rôle titre). // Source : Marvel Entertainment
Dans chaque série Marvel, les effets spéciaux jouent un rôle prépondérant. Ici, sur le plateau de Moon Knight (Oscar Isaac dans le rôle titre). // Source : Marvel Entertainment

Comme le relève Vulture, c’est la première fois aux États-Unis que des professionnels des effets spéciaux se syndicalisent afin de réclamer les mêmes droits et protections que les autres travailleurs de cette industrie.

Les travailleurs des effets spéciaux en burnout permanent

La pétition indique que les premières élections devraient avoir lieu d’ici au 21 août. Le problème soulevé par les salariés est le même que celui derrière les grèves des derniers mois : des conditions de travail largement insatisfaisantes, des salaires qui n’évoluent pas, voire qui baissent, malgré une demande qui augmente et, ainsi, un rythme de travail qui s’accroît.

C’est une « première étape historique », estime Mark Patch, du IATSE, dans un communiqué transmis à la presse. « Pendant près d’un demi-siècle, les travailleurs de l’industrie des effets visuels se sont vu refuser les mêmes protections et avantages que ceux dont bénéficient leurs collègues et équipiers depuis les débuts de l’industrie cinématographique hollywoodienne. »

Dans le domaine, Marvel a mauvaise réputation, c’est peu dire : l’entreprise est souvent décrite comme un tyran envers les sociétés de production d’effets spéciaux — et donc leurs employés. Durant l’été 2022, des voix s’étaient élevées, avec de premiers appels à la syndicalisation. « Travailler sur des séries Marvel est ce qui m’a poussé à quitter l’industrie des effets visuels », affirmait l’artiste VFX Dhruv Govil, dans un tweet désormais supprimé. Celui-ci a contribué aux Gardiens de la Galaxie ou encore à Spider-Man : Homecoming. « C’est un client horrible, et j’ai vu beaucoup trop de collègues s’effondrer après avoir été surchargés de travail, alors que Marvel serre les cordons de la bourse. »

« Lorsque je travaillais sur un film, c’était presque six mois d’heures supplémentaires quotidiennes. »

Dans Vulture, une autre artiste témoignait encore : « Lorsque je travaillais sur un film, c’était presque six mois d’heures supplémentaires quotidiennes. Je travaillais sept jours sur sept, avec une moyenne de 64 heures par semaine dans les bonnes semaines. Marvel vous fait vraiment travailler très dur. J’ai vu des collègues s’asseoir à côté de moi, s’effondrer et se mettre à pleurer. J’ai vu des gens faire des crises d’angoisse au téléphone. »

Que seraient Avengers Endgame sans le travail des artistes VFX ? // Source : Marvel Entertainment
Que seraient Avengers Endgame sans le travail des artistes VFX ? // Source : Marvel Entertainment

Pression excessive, stress insupportable, paies insuffisantes : le secteur est à bout de souffle. Cet été sous le signe des revendications en termes de droit dans l’industrie de la culture aura sans doute servi d’élément déclencheur pour une première pétition concrète en faveur d’une syndicalisation des salariés de Marvel.

« Nous assistons à une vague de solidarité sans précédent qui fait tomber les anciennes barrières dans le secteur et prouve que nous sommes tous engagés dans ce combat », a déclaré Matthew D. Loeb, le président de l’IATSE. « Cela ne se produit pas dans le vide. Partout, les travailleurs du spectacle défendent les droits de leurs collègues ; c’est la raison d’être de notre mouvement », ajoute-t-il. « Je félicite ces travailleurs d’avoir franchi cette étape importante et d’avoir fait entendre leur voix collective. » Il invite Marvel Studios « à reconnaître volontairement et immédiatement leur syndicat ».

Découvrez les bonus

+ rapide, + pratique, + exclusif

Zéro publicité, fonctions avancées de lecture, articles résumés par l'I.A, contenus exclusifs et plus encore.

Découvrez les nombreux avantages de Numerama+.

S'abonner à Numerama+

Vous avez lu 0 articles sur Numerama ce mois-ci

Il y a une bonne raison de ne pas s'abonner à

Tout le monde n'a pas les moyens de payer pour l'information.
C'est pourquoi nous maintenons notre journalisme ouvert à tous.

Mais si vous le pouvez,
voici trois bonnes raisons de soutenir notre travail :

  • 1 Numerama+ contribue à offrir une expérience gratuite à tous les lecteurs de Numerama.
  • 2 Vous profiterez d'une lecture sans publicité, de nombreuses fonctions avancées de lecture et des contenus exclusifs.
  • 3 Aider Numerama dans sa mission : comprendre le présent pour anticiper l'avenir.

Si vous croyez en un web gratuit et à une information de qualité accessible au plus grand nombre, rejoignez Numerama+.

S'abonner à Numerama+

Si vous avez aimé cet article, vous aimerez les suivants : ne les manquez pas en vous abonnant à Numerama sur Google News.