Il y a eu beaucoup de protestations et de polémiques concernant la loi britannique sur l’économie (Digital Economy Bill) présentée par Peter Mandelson, l’actuel Secrétaire d’Etat du BIS (Business, Innovation & Skills). Non seulement celle-ci impose le principe de la riposte graduée dans la législation britannique, mais offre également de nouvelles prérogatives au Secrétaire d’Etat (c’est-à-dire lui ou son successeur) en matière de propriété intellectuelle.
Nous en avions d’ailleurs parlé fin novembre : en l’état, le projet de loi donnerait au Secrétaire d’Etat suffisamment de pouvoirs pour effectuer n’importe quelle modification aux droits de la propriété intellectuelle par simple voie réglementaire et sans aucun contrôle du parlement britannique. Avec ces nouvelles attributions, Peter Mandelson pourrait introduire de nouvelles peines contre les internautes s’adonnant au partage illicite de contenus culturels, comme des peines de prison ou le renforcement du montant des amendes.
Par ailleurs, les ayants droit pourraient également se voir attribuer de nouvelles compétences, comme le droit d’exiger des fournisseurs d’accès à Internet, des bibliothèques, des entreprises ou des écoles la livraison d’informations personnelles sur les utilisateurs des réseaux mis à disposition. Ils pourraient également demander le blocage à certains sites ou certains protocoles.
Manifestement, le projet de loi sur l’économie numérique va encore plus loin. Selon Francis Davey, expert juridique dans le domaine des TIC et d’Internet, la section 124H est particulièrement critique. Si l’on en croit ces dispositions, le secrétaire d’Etat aurait le pouvoir de bloquer silencieusement l’accès à certains sites gênants. Cela concernerait bien évidemment des sites proposant des contenus pédo-pornographiques (argument imparable pour faire accepter ce point de la loi) mais également des sites de peer-to-peer ou encore Wikileaks, un wiki spécialisé dans la diffusion de fuites d’information, comme avec l’ACTA récemment ou le demi-million de SMS envoyés lors du 11 Septembre.
Visiblement plus radicale que la proposition d’une liste blanche avancée il y a quelques mois par Christine Albanel, la section 124H expose ceci :
11 Obligations to limit internet access
After section 124G of the Communications Act 2003 insert€
‘124H Obligations to limit internet access
(1) The Secretary of State may at any time by order impose a technical obligation on internet service providers if the Secretary of State considers it appropriate in view of€
(a) an assessment carried out or steps taken by OFCOM under section 124G; or
(b) any other consideration.
(2) An order under this section must specify the date from which the technical obligation is to have effect, or provide for it to be specified.
(3) The order may also specify€
(a) the criteria for taking the technical measure concerned against a subscriber;
(b) the steps to be taken as part of the measure and when they are to be taken.’
Comme le souligne Francis Davey, ces éléments ne ciblent pas spécifiquement les infractions au droit d’auteur. Dès lors, la section 124H pourrait très bien être invoquée pour ordonner à un FAI de bloquer une page web recensée par l’Internet Watch Foundation, une organisation dédiée à la lutte contre les contenus illégaux sur Internet, ou un site web « indésirable » (comme Wikileaks), mais également de bloquer certains protocoles ou trafics spécifiques (comme BitTorrent) ou encore de réduire drastiquement la bande-passante pour certains services web.
Pour ce spécialiste, l’absence d’obligations pour le Secrétaire d’Etat est bien l’aspect le plus étonnant. Il n’a ni besoin de soumettre ses décisions à l’examen parlementaire, ni l’obligation de publier une telle ordonnance. Pourtant, d’autres éléments de ce projet de loi devront obtenir l’approbation du parlement britannique. Mais pas la section 124H.
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