Le député UMP Jacques Myard nous avait déjà gratifié de sa totale incompréhension du fonctionnement du net lorsqu’il avait affirmé sans sourciller que le blocage de sites internet par l’administration n’était pas un problème, puisqu’il suffisait de « se doter d’une batterie d’ordinateurs très puissants » que sont prêts à lui vendre les industries de l’armement. L’élu des Yvelines, notoirement pressé de voir le projet de loi Loppsi adopté à l’Assemblée Nationale, a réitéré la semaine dernière sur Radio Courtoisie en évoquant la nécessité selon lui de « nationaliser Internet ». Après tout, « les Chinois l’ont fait« , a affirmé M. Myard dans une formule que n’auraient pas répudié les philosophes du groupe Kyo.
Pensant se rattraper, le député a publié sur son site un communiqué tendant à soulever tout malentendu et à s’expliquer plus longuement.
« » Nationaliser Internet » ne signifie en aucun cas créer une police des échanges entre particuliers, sous réserve de la diffamation ou la violation des droits d’auteurs. Nous sommes un Etat de droit« , a d’abord précisé M. Myard. La formule est étrange. Souhaite-t-il tout de même créer une police des échanges entre particuliers dans les cas de diffamation et de violation des droits d’auteur ? C’est apparemment ce qu’il sous-entend, mais dans ce cas comment la police peut-elle repérer ces atteintes au droit sans surveiller l’ensemble des échanges et en vérifier leur nature ? Il y a là contradiction.
« En revanche, poursuit-il, il faut savoir qu’Internet fonctionne par l’attribution des DNS (Domain Name System) aux différents opérateurs, sorte de routeur central du système, lequel est totalement aux mains d’une société américaine, l’ICANN, laquelle est elle-même le faux nez du gouvernement américain« . En clair, affirme-t-il, « les Etats-Unis sont totalement maîtres du système et peuvent ainsi espionner le monde entier, pour leur propre sécurité, mais aussi pour leurs intérêts industriels ou commerciaux« .
Or comme l’explique très bien le président de FDN Benjamin Bayart dans une réponse détaillée, « il y a là une très grave incompréhension de la technique par M. Myard« . L’ICANN, qui au passage n’est pas une société mais une organisation à but non-lucractif, définit uniquement les règles de fonctionnement des DNS, qui sont acceptées et appliquées par consensus international. Il ne dispose d’aucun pouvoir exécutif, et l’influence du gouvernement américain est minime. Le gouvernement américain « peut essayer d’infléchir les prises de positions de l’ICANN, mais ça doit se faire publiquement, et être ensuite accepté par tout le monde, par tous les administrateurs système et réseau de la planète, en France comme en Chine, par FDN comme par Orange. Si on trouve un règle qui convient à autant de monde, alors il y a fort à parier qu’elle laisse assez peu de place aux envies des politiques locaux…« , résume Benjamin Bayart.
Evidemment, contrairement à ce que laisse croire Jacques Myard, les données ne transitent pas par les Etats-Unis. Même dans le cas fantasmé où les Etats-Unis auraient la main sur les DNS, ça ne voudrait pas dire que les données envoyées par le reste du monde pourraient être surveillées par les Américains. Toute l’architecture d’Internet a été pensée de manière décentralisée, pour éviter les points névralgiques.
Jacques Myard mise sur la peur des citoyens qui ne sont pas experts en matière technique (« le logiciel du principal système d’exploitation est truffé d’erreurs permettant de multiples attaques de hackers qui peuvent paralyser des systèmes entiers, allant des hôpitaux aux centrales nucléaires, en passant par les médias« ). Sous prétexte de « renforcer la liberté d’expression » par une prétendue prise d’autonomie de la France et de l’Europe sur Internet, Jacques Myard veut en faire centraliser le net pour en faire un minitel 2.0. Le député entend en effet créer « des espaces de confiance au sein d’Internet qui échapperaient à toute tentative d’intrusion« , c’est-à-dire des intranets nationaux coupés du net. Aussi improbable techniquement que dangereux philosophiquement.
Et bien sûr, pour pouvoir rendre compte de son activité à ses électeurs apeurés, le député UMP annonce qu’il souhaite « déposer une proposition de loi en ce sens« . Une Loppsi aux hormones ?
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