Attendu par les ayants droit depuis plusieurs semaines, c’est finalement avant-hier que le rapport Zelnik a été remis à Frédéric Mitterrand. Composé de vingt-deux propositions destinées à promouvoir les offres légales des contenus culturels sur Internet, le rapport a reçu dès le lendemain un très net soutien de l’Exécutif, puisque Nicolas Sarkozy, lors de ses voeux aux milieux culturels, a repris à son compte plusieurs idées des travaux de la commission présidée par Patrick Zelnik.
Depuis, l’une de ses pistes a fait couler beaucoup d’encre, que ce soit en France à l’étranger. Il s’agit ni plus ni moins de créer une taxe sur les revenus publicitaires en ligne des grands groupes qui s’accaparent la quasi-totalité du marché publicitaire français. « Compte tenu de la taille du marché publicitaire sur internet, cette mesure pourrait à terme rapporter une dizaine de millions d’euros par an, acquittés principalement par les grandes sociétés opérant des services supports de publicité en ligne telles que Google, Microsoft, AOL, Yahoo! ou encore Facebook » avait indiqué le rapport, préférant ponctionner l’argent des entreprises américaines qui marchent, plutôt que de se donner les moyens de créer des champions français ou européens. Qui se souvient encore de Quaero ?
Et pour préserver les « petites régies nationales« , la taxe ne concernerait que les revenus supérieurs à 50 millions d’euros. « Les sociétés opérant des services en ligne ont progressivement capté une part importante de la publicité en ligne, sans toujours rémunérer les créateurs comme le font les sociétés éditrices de contenu » avait précisé le rapport. Sont donc visés Google, Microsoft, AOL, Yahoo mais également Facebook. Sauf que ces créateurs ne sont pas tous ceux que l’on croit. Il s’agit également des internautes, puisque ces derniers participent très fortement au succès de ces services, à travers leurs espaces (sites Internet, forums, blogs, micro-blogging) et leurs contenus générés. Que serait YouTube ou Facebook sans utilisateurs ?
Dans un éditorial publié aujourd’hui, le quotidien Le Monde y est allé également de son petit commentaire, estimant que la taxation de la publicité en ligne est « juste« . « Depuis des années, Google profite de contenus qu’il n’a pas créés et qui ne lui appartiennent pas : musiques, films, livres, presse, produits audiovisuels… Google ne paie presque rien et il rend les contenus gratuits. Pire, il capte des pages de publicité, et donc des revenus, qui devraient aller à d’autres. Le résultat est ravageur : hormis le cinéma, qui se porte bien – la magie de la salle opère toujours -, la musique est sinistrée, la presse souffre, le livre est menacé« .
À l’international, on se souvient des positions musclées de Rupert Murdoch contre le géant de Mountain View, qu’il avait accusé de « kleptomanie » et d’être un « parasite » du web. Le magnat des médias reprochait à Google News d’intégrer les titres des articles de ses journaux, ainsi que leurs contenus, sans payer un seul centime. À plusieurs reprises, l’homme d’affaires avait laissé entendre qu’il pourrait très bien procéder à un blocage systématique de Google, quitte à perdre son référencement sur Internet.
Mais pour l’heure, jamais News Corp – sa société – n’a mis cette menace à exécution. Car le groupe de médias sait pertinemment à quel point Google est devenu important en terme d’audience. « Google News et la recherche sur le web sont une source de promotion pour les organes de presse, envoyant près de 100 000 clics par minute » avait déclaré le moteur de recherche. Si News Corp veut se retirer de l’index de Google, c’est son problème. Ça sera une perte pour l’entreprise, mais il est certain que c’est News Corp qui en pâtira le premier et le plus.
Et si le quotidien Le Monde considère que « l’idée de financer celles-ci par une taxe sur la publicité en ligne » est juste, la presse étrangère, elle, s’amuse de cette idée. Le Financial Times Deutschland a décrit l’idée comme étant « complètement aveugle à l’essence même d’Internet, où une compagnie peut avoir son siège aux Etats-Unis, son administration en Irlande et ses serveurs partout dans le monde« . Pour le journal, cette proposition n’aura que des effets pervers, en poussant les entreprises visées à quitter le marché français, en bloquant les internautes français. Si ce scénario n’est pas le plus probable, on imagine cependant la réaction des Français si cela impactait non seulement le moteur de recherche, mais aussi Gmail ou encore Facebook.
Même son de cloche pour le quotidien conservateur américain New York Post, dans des termes beaucoup plus durs en titrant : « les vautours de la culture français veulent taxer les entreprises du Net« . Dans son article, l’auteur écrit que « les autorités férues de taxes à Paris ciblent Google comme source d’argent pour la culture française en déclin« . Une vision qui n’est pas sans rappeler la fameuse Une du Time Magazine, qui clamait que la culture française était morte.
Mais encore faut-il que cela soit applicable. Makr Mulligan, vice-président de Forrester Research, est particulièrement sceptique : « Où cela commence-t-il, où cela finit-il ? L’argument est que Google est coupable de faire baisser les revenus de la filière musicale car les gens commencent leur recherche de fichiers piratés depuis Google. Mais qu’en est-il des ordinateurs ? Car sans les ordinateurs, les gens ne pourraient pas télécharger. Et l’électricité qui sert à faire marcher ces ordinateurs ?« .
Et finalement, qu’en pense notre « Secrétaire d’Etat à la Prospective et au Développement de l’économie numérique » ? Elle est décidément bien silencieuse sur toutes ces questions !
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