Sur le papier, Zalando soutient le DSA. L’entreprise allemande, qui est spécialisée dans la vente de chaussures et de vêtements, pense que la règlementation européenne sur les services numériques va dans le bon sens. En revanche, ce qu’elle ne comprend pas, c’est la présence de son nom au milieu des 19 services considérés comme des « Very Large Online Platforms », qui doivent donc se conformer à des règles plus strictes que les autres, dès le 25 août 2023.
AliExpress, Amazon, l’App Store d’Apple, Bing, Booking, Facebook, Google, Google Play, Google Maps, Google Shopping, Instagram, LinkedIn, Pinterest, Snapchat, TikTok, Wikipédia, X (Twitter), YouTube et… Zalando. Les 19 entreprises ciblées par l’Union européenne le sont pour une raison simple : elles ont plus de 45 millions d’utilisateurs mensuels. Problème, Zalando réfute ce nombre.
« L’évaluation est aléatoire et assez inégale »
Comment Zalando s’est-il retrouvé au milieu des GAFAM et de services régis par des multinationales ? Avec tout le respect que nous avons pour Zalando (même si nous détestons le jingle de ses publicités), il est difficile de le mettre dans le même panier que les autres géants ciblés par l’Union européenne. Zalando n’a pas la puissance d’un Google ou d’un Meta, mais l’UE a pourtant décidé de ne faire aucune distinction entre ces entreprises.
Amusé par la présence de Zalando dans cette liste, Numerama a contacté l’entreprise allemande pour pouvoir discuter avec elle de son application du DSA. Nous avons découvert que l’entreprise n’était pas d’accord avec cette situation, puisqu’elle considère qu’elle ne remplit pas les conditions pour être un « VLOP » (une très grande plateforme). Zalando a même saisi la Cour de justice européenne le 27 juin, dans l’espoir de faire retirer son nom de ce club très fermé, qui n’est pas très bon pour son image.
Comment Zalando s’est-il retrouvé dans la liste des très grandes entreprises de l’Union européenne ? Comme tous les grands groupes, Zalando a été forcé à communiquer au printemps des données sur son utilisation. Contrairement à d’autres marques, qui ont été plus malignes dans leur manière de présenter leurs chiffres, Zalando a sans doute fait part d’une transparence un peu trop grande, qui a incité l’Union européenne à le ranger dans le groupe des « + de 45 millions d’utilisateurs mensuels ». Le problème est que Zalando réfute cette catégorisation, puisqu’il n’est pas d’accord avec le calcul de l’Europe.
Interrogé par Numerama, Zalando explique avoir 50 millions de clients par an, et non par mois, comme l’Union européenne le demande. Le problème est que l’Union européenne ne compte pas les clients, mais « le nombre de destinataires actifs de service ». Un terme « nouveau et complètement spécifique au DSA », selon Zalando, puisqu’il se fonde sur des identifiants pour estimer une fréquentation. Zalando a ainsi déclaré 80 millions de visiteurs mensuels, bien au-delà des 45 millions nécessaires, mais estime qu’il n’existe pas de définition commune au nombre de destinataires actifs de services, ce qui crée des inégalités de traitement.
Au-delà de la question de la méthodologie, Zalando indique à Numerama que les 80 millions de visiteurs mensuels mesurés par l’Union européenne sont le fruit d’une erreur mathématique, additionnant deux activités différentes du point de vue du DSA :
- Zalando vend des produits qu’il a dans son propre stock, comme n’importe quelle entreprise de grande distribution. Cela représente 60 % de son activité et, selon Zalando, cette partie de son business n’est pas concernée par le DSA. « Le DSA ne s’applique par aux commerces de détails » affirme l’entreprise.
- La seconde partie de l’activité de Zalando s’apparente à celle d’Amazon ou d’AliExpress, puisqu’il s’agit d’un marketplace. Zalando liste les produits d’autres vendeurs, ce qui est pour le coup soumis au DSA. Le règlement européen souhaite limiter le nombre de produits frauduleux sur ces plateformes, en forçant les places de marché à des contrôles plus stricts.
Selon les calculs de Zalando, son activité marketplace attirait 31 millions de visiteurs mensuels au moment du prélèvement des données et est redescendu à 27 millions aujourd’hui. Punir le reste de son activité reviendrait à interdire à un magasin de vendre ses propres produits, puisque Zalando n’officie alors qu’en tant qu’un site de e-commerce, qui vend des chaussures et de vêtements. C’est cet aspect que conteste Zalando, convaincu qu’il n’a rien à faire dans la liste du DSA.
Zalando a-t-il raison ?
En attendant une décision de justice, Zalando applique le DSA (il aurait de toute manière été obligé de le faire en février 2024, avec des règles un peu moins strictes). L’entreprise a fait part à plusieurs reprises à l’Europe de son incompréhension et s’étonne de ne pas avoir vu d’autres acteurs similaires rejoindre la liste des 19 avant le 25 août, alors que l’UE disait qu’elle allait continuer à examiner les données des autres.
Zalando a-t-il raison de se plaindre de son inscription sur la liste du DSA ? Certaines règles manquent de clarté, à tel point que même Amazon a déposé un recours pour quitter la liste des très grandes entreprises, puisqu’il se dit convaincu qu’un site de e-commerce n’a rien à faire au milieu de réseaux sociaux. La justice finira par trancher, entre mauvaise foi et erreurs avérées.
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